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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 45e Législature
Volume 154, Numéro 14

Le jeudi 19 juin 2025
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le jeudi 19 juin 2025

La séance est ouverte à 13 h 30, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Hommages

L’honorable Judith G. Seidman

L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, le recrutement du caucus de l’opposition se déroule si bien que l’heure est venue, selon certains, de commencer à rendre hommage aux sénateurs qui prendront leur retraite dans trois mois.

Sur une note plus sérieuse, le Sénat s’apprête à subir un coup dur. En effet, en septembre prochain, nous perdrons un membre très précieux pour cette enceinte, une personne respectée de tous.

Je parle bien sûr de la sénatrice Seidman, nommée en août 2009, soit quelques mois après moi, qui a parcouru à mes côtés ce long chemin tantôt dans le désert, tantôt dans la forêt, et qui prendra sa retraite le 1er septembre 2025. Elle a été épidémiologiste, chercheuse en santé liée au vieillissement et conseillère en services sociaux. Avant sa nomination au Sénat, elle a mené une carrière active dans la recherche en soins de santé au sein du réseau de l’Université McGill, au Québec. Elle est titulaire de plusieurs diplômes que je ne pourrai pas énumérer ici, faute de temps.

Elle a fait partie d’un certain nombre de conseils d’administration, dont celui de la McGill Society de Montréal, ainsi que du groupe de travail sur l’éducation du McGill Centre for Studies in Aging et du comité d’évaluation du programme de recherche en santé communautaire de Montréal. La liste de ses accomplissements et des distinctions qu’elle a reçues avant son arrivée au Sénat est très longue.

Honorables collègues, pendant près d’une vingtaine d’années, elle s’est illustrée au Sénat. Elle a siégé au sein d’un grand nombre de comités. La liste est d’ailleurs trop longue pour tous les énumérer. Elle a été active dans presque tous les comités du Sénat. Elle s’est illustrée à titre de présidente du Comité sénatorial permanent de l’éthique et des conflits d’intérêts des sénateurs. Nous savons tous à quel point il peut être délicat de protéger l’intégrité de notre institution. Elle l’a fait pour le Sénat et pour chacun des sénateurs avec toute l’intégrité qu’on lui connaît dans tout ce qu’elle fait.

On peut dire qu’elle n’a jamais cherché à se défiler, quel que soit le dossier, puisqu’elle s’est aussi particulièrement illustrée dans le débat sur l’aide médicale à mourir. Il s’agit d’une question qui m’a toujours déchiré et qui a fait l’objet d’un débat poignant et difficile, mais jamais politique. Il a toujours été question des personnes et de la vie, et c’est là que vous vous êtes vraiment démarquée. Vous avez pris de front le sujet, vous avez parlé du fond du cœur et vous avez très bien exposé toutes les facettes de la question.

Elle est une ardente défenseure des droits linguistiques des communautés de langue officielle en situation minoritaire — la communauté anglophone du Québec et la communauté francophone à l’extérieur du Québec —, auxquelles elle est profondément attachée. Elle a aussi toujours agi avec beaucoup d’intégrité. Peu importe le gouvernement ou l’allégeance politique, elle a toujours été cohérente, et c’est ce qui caractérise l’honorable sénatrice Judith Seidman.

Elle a également publié un livre en collaboration avec l’ancien sénateur Serge Joyal. C’était à l’occasion du 150e anniversaire du Sénat, et l’ouvrage s’intitule Réfléchir sur notre passé pour aborder notre avenir. Je vous invite tous à vous en procurer un exemplaire. C’est un travail remarquable au sujet de notre institution.

Plus important encore, la sénatrice Seidman est pour moi bien plus qu’une personnalité publique accomplie, une excellente sénatrice et une collègue. Elle est une amie, une confidente et une conseillère. Lorsque j’ai rédigé ce texte, j’ai mis le mot « amie » en gras, car nous savons tous que, dans la vie politique et publique, il y a des hauts et des bas, des moments forts et des moments difficiles. Je peux vous dire qui est Judith Seidman : lorsque vous êtes au plus bas, c’est la première personne à vous appeler. Le téléphone sonnera, et dès que vous répondrez, elle vous demandera comment vous allez et ce qu’elle peut faire pour vous aider. C’est ainsi que je me souviens de la sénatrice Seidman, et je pense que bien d’autres ici ont des histoires semblables à son sujet.

Par-dessus tout, elle aime profondément sa famille. Je sais qu’ils sont là, à la tribune. Jessica, et bien sûr Zac, votre mère a des étoiles dans les yeux dès qu’elle parle de vous, et elle n’arrête pas de parler de vous.

Oui, Steve, elle parle aussi un peu de vous.

Pour tout vous dire, Jessica, vous êtes la prunelle de ses yeux, et Zac, vous êtes sa vie.

Félicitations, Judith. Vous allez nous manquer terriblement. Vous allez manquer à toute l’institution. Nous vous souhaitons le meilleur pour la suite des choses.

Des voix : Bravo!

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, c’est avec un réel plaisir, mais aussi le cœur lourd, que je prends aujourd’hui la parole pour rendre hommage au nom du Bureau du représentant du gouvernement à la sénatrice Judith Seidman, l’une de mes concitoyennes de Montréal et une grande amie pour bon nombre d’entre nous, y compris ma femme Nancy et moi.

Judith, avant d’arriver au Sénat, comme Leo vient de le dire, vous avez consacré votre vie à améliorer celle des Montréalais et des Canadiens en votre qualité d’épidémiologiste, de chercheuse dans le domaine des problèmes de santé causés par l’âge et de conseillère en services sociaux.

Une fois ici — encore une fois comme Leo vient de le dire —, vous avez poursuivi votre travail en défendant avec ferveur les causes sociales et la santé. J’ai toujours admiré votre perspicacité et votre expertise. Je me rappelle — et j’en ai parlé encore dernièrement — les travaux importants que vous avez menés sur les risques associés au vapotage. Vous avez appris beaucoup de choses à vos collègues sénateurs et aux Canadiens en général.

Encore une fois, le travail important que vous avez accompli au sein du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir, qui a jeté les bases de ce qui allait devenir le cadre balisant l’aide médicale à mourir, mérite d’être souligné.

(1340)

Je ne tenterai pas de dresser la liste de tout ce que vous avez accompli au sein des comités, mais je tiens à souligner l’importance exceptionnelle de votre contribution au Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs. Vous vous êtes acquittée de votre rôle avec un grand sens de l’honneur et beaucoup d’intégrité, et je ne peux imaginer quelqu’un de plus digne que vous pour occuper cette fonction.

Je ne saurais conclure sans saluer votre dévouement envers notre ville natale, Montréal, et notre province, le Québec. Votre engagement était évident dès votre première allocution dans cette enceinte, lorsque vous avez rendu hommage aux 14 femmes ayant perdu la vie à l’École Polytechnique. Vous avez travaillé d’arrache-pied pour nous sensibiliser aux mesures à mettre en place pour empêcher que de tels événements tragiques ne se reproduisent. Je sais que vous continuerez à redonner à votre communauté.

Sur une note plus personnelle, vous avez été l’une des premières personnes que j’ai rencontrées lors de ma première semaine en tant que sénateur de l’autre côté de la rue, au Château Laurier, en compagnie de notre ancienne collègue Nancy Greene Raine. Nancy, vous et moi sommes rapidement devenus de bons amis. Nous avons pris plus d’un verre ensemble au Château Laurier et avons développé une amitié qui a été très précieuse pour moi. J’ai toujours pu compter sur vous lorsque j’avais besoin de me confier un peu. J’espère que j’ai pu être et que je pourrai continuer d’être tout aussi présent pour vous, même lorsque nous aurons tous les deux quitté cet endroit.

Encore une fois, au nom du bureau du représentant du gouvernement, je vous souhaite une heureuse retraite. Profitez de votre temps avec votre famille, vos amis, vos proches et tous ceux qui vous aiment et vous respectent. Merci, Judith.

Des voix : Bravo!

[Français]

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Honorables sénateurs, nous saluons aujourd’hui l’honorable sénatrice Judith Seidman, une collègue parmi les plus émérites d’entre nous — émérite en raison de sa compétence, de ses qualités et de son dévouement. Membre active et influente de cette Chambre, la sénatrice a servi au Sénat pendant 16 ans. Ses réalisations sont nombreuses.

Sa compétence est impressionnante, en premier lieu à cause de l’étendue de ses connaissances dans les domaines des sciences sociales, de la santé, de l’éthique et de la déontologie, et j’en passe. Elle est aussi impressionnante en raison de sa solide expérience comme universitaire et chercheuse. Ses travaux ont fait leur marque et sont encore cités par de nombreux scientifiques, ici comme à l’étranger, y compris dans nos comités sénatoriaux.

Cette grande compétence a fait de notre collègue Judith une référence pour le Sénat et ses comités. Au moment de l’examen de plusieurs projets de loi complexes — et controversés —, l’opinion de la sénatrice Seidman était toujours attendue et écoutée. Quand nous étudions de tels projets de loi, nous voulons entendre des voix documentées, porteuses de rigueur et d’empathie, des voix éclairantes, s’exprimant au-dessus de la mêlée, loin de la désinformation. Des voix courageuses aussi, parce qu’elles portent parfois un point de vue différent de celui que plusieurs voudraient entendre. Depuis bientôt 16 ans, la voix de notre collègue Judith est l’une des plus fortes.

[Traduction]

Pendant plusieurs années, j’ai eu le privilège de côtoyer la sénatrice Seidman au Sous-comité sur les ressources humaines, l’un des sous-comités du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration. J’en étais la présidente et elle en était la vice-présidente. Comme on pouvait naturellement s’y attendre, Judith a exercé ses fonctions avec rigueur, équité et discrétion, avec le bon jugement qui la caractérise. Je vais vous avouer une chose : elle avait une telle maîtrise de ses dossiers que je m’obligeais souvent à lire et relire la documentation parce que je ne voulais pas me faire prendre à être passée à côté d’une faille ou d’une incohérence qu’elle aurait facilement relevée.

Pour moi et sans doute aussi pour tous les membres du sous-comité, elle créait un esprit d’émulation, tant et si bien que je l’ai toujours considérée comme la coprésidente du sous-comité.

Judith, je vous remercie aussi au nom des autres membres du sous-comité. Madame la coprésidente, vous allez me manquer. Votre crédibilité est telle que, pour siéger au Comité sénatorial permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, toute notre assemblée vous a accordé sa confiance. Nous savions que nous pouvions compter sur votre bonne compréhension de notre institution, du rôle des sénateurs et du code d’éthique. Nous savions surtout que vous n’alliez jamais contrevenir aux obligations de réserve et de confidentialité qui sont le fondement même de la confiance que nous avons à l’égard des membres de ce comité.

Sénatrice Seidman, chère Judith, le temps que nous passons au Sénat est compté. Vous avez su en faire un très bon usage.

[Français]

Chère Judith, au moment où vous retournez à Montréal, cette ville où vous êtes si fière de vivre, je vous dis merci et bravo. Au nom de tous les membres du Groupe des sénateurs indépendants, je vous témoigne aussi toute notre admiration et notre gratitude et je vous offre nos meilleurs vœux de bonheur.

[Traduction]

Des voix : Bravo!

L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, nous approchons à grands pas de l’ajournement de l’été, et il ne reste plus que quelques jours de séance à notre collègue la sénatrice Judith Seidman. C’est avec un pincement au cœur que nous devrons lui dire au revoir dès qu’elle quittera cette enceinte, et le Sénat ne sera plus le même sans elle.

Elle est arrivée au Sénat en 2009 avec huit autres sénateurs — et ceux qui étaient là à l’époque s’en souviennent sans doute — qui affichaient une affinité extraordinaire pour un parti politique. Parmi eux figurait la sénatrice Seidman, qui accordait une grande importance aux études minutieuses, insistait sur l’objectivité et les données quantitatives et favorisait la coopération bipartisane.

Si vous voulez une preuve de sa capacité à tendre la main à ses collègues d’en face, il suffit de penser au livre qui a été mentionné plus tôt et sur lequel elle a travaillé avec le sénateur Joyal, Réfléchir sur notre passé pour aborder notre avenir : une initiative du Sénat pour le Canada. Imaginez un peu : un libéral et une conservatrice travaillant ensemble à un projet commun. C’est vraiment beau à voir.

Pour ceux que cela intéresse, le livre est actuellement en vente avec une réduction de 30 % sur Amazon.

Le sénateur Housakos : Plus le rabais accordé au Sénat.

Le sénateur Tannas : Plus le rabais accordé au Sénat, oui.

Je pense aussi à la fois où la sénatrice Seidman, quelques autres collègues et moi-même avons assisté aux désormais célèbres rencontres entre les sénateurs Massicotte et Greene sur la réforme et la modernisation du Sénat. Je me souviens très bien de ces réunions, où notre présence a été considérée par certains comme un acte de sédition. Quoi qu’il en soit, Judith participait activement aux discussions et cherchait toujours à trouver des moyens d’améliorer ou de changer les façons de faire de l’institution.

Avec la sénatrice Seidman, le Sénat a accueilli une ardente défenseure et une guerrière de l’accès aux soins de santé, de la lutte contre le tabagisme et le vapotage et des services à la minorité linguistique de sa province.

Quand elle a été nommée, le magazine The Canadian Jewish News a dit d’elle qu’elle était peu connue en dehors de son parti et des cercles professionnels qu’elle fréquentait. Comme les choses ont changé depuis. De nos jours, quiconque s’intéresse le moindrement au Sénat connaît la sénatrice Judith Seidman. Dès le départ, elle a fait profiter notre assemblée de ce mélange unique de rigueur intellectuelle, de compassion et de gros bon sens qui la caractérise. Quand elle prenait la parole, nous nous arrêtions et nous tendions l’oreille parce que nous savions qu’elle insufflerait sa grande sagesse et son dynamisme au débat. Elle n’a jamais eu peur de poser des questions difficiles ni de défendre ses principes avec détermination.

Nous saluons également sa contribution aux travaux du Comité des affaires sociales et du Comité sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs. Je crois que la preuve de l’immense respect que nous avons pour vous, Judith, est que nous vous avions accordé à vous, en tant que présidente, et à vos collègues de ce comité notre entière confiance pour défendre notre réputation collective. Merci pour le travail que vous avez accompli au sein de ce comité. Dans tous les comités où vous avez siégé, beaucoup d’études ont eu à passer le « test Seidman » exigeant des conclusions solides, de bonnes données ainsi que des arguments et des recommandations logiques.

Vous laissez un legs d’intelligence, d’intégrité et d’engagement indéfectible pour la santé publique et les valeurs démocratiques.

Au nom de vos collègues du Groupe des sénateurs canadiens, je peux vous dire que vous nous manquerez et que nous vous souhaitons une merveilleuse retraite.

Des voix : Bravo!

L’honorable Brian Francis : Honorables sénateurs, j’ai le plaisir de prendre la parole au nom du Groupe progressiste du Sénat afin de rendre hommage à l’honorable Judith Seidman.

À l’approche de la fin d’une semaine mouvementée et fructueuse, il est bon d’avoir l’occasion de nous poser un instant dans le but de souligner et de se remémorer la carrière fructueuse et bien remplie de notre collègue au Sénat.

Pendant plus de 15 ans au Sénat, la sénatrice Seidman a fait la preuve de son engagement indéfectible envers le service public.

(1350)

La sénatrice Seidman a été une ardente défenseure des dossiers sur les enjeux sociaux et la santé en participant à des initiatives telles que La science rencontre le Parlement et Femmes au Parlement; en parrainant des mesures législatives comme la Loi de Vanessa; en se consacrant à des questions importantes comme le système de soins de longue durée et le vieillissement à domicile; en exprimant ses préoccupations au sujet de la réglementation sur le vapotage et en siégeant au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie pendant la majeure partie de son mandat au Sénat.

Au fil des ans, dans le cadre de son travail au sein du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration et dans son rôle actuel de présidente du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, elle a démontré sa volonté d’assurer le bon fonctionnement administratif de notre institution et nous a incités à toujours viser les plus hauts niveaux d’intégrité et de responsabilité dans notre travail et nos activités.

Je tiens aussi à souligner sa contribution importante à l’un des dossiers les plus éthiquement complexes de notre époque, celui sur l’aide médicale à mourir. En 2016, la sénatrice Seidman a participé aux travaux du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir. Cette expérience l’a certainement préparée à intervenir dans les débats sur le projet de loi C-14 et sur le projet de loi C-7. Bien que j’aie seulement pu assister à celui sur le C-7, j’ai trouvé très utile d’entendre le point de vue des sénateurs qui ont fait un énorme travail sur le C-14. En ces périodes de grande réflexion et de transformation juridique, elle a su apporter clarté, compassion et détermination à un dossier aussi complexe que personnel.

Sénatrice Seidman, nous nous souviendrons de vous pour votre sollicitude et pour l’immense respect que vous vouez aux responsabilités confiées aux sénateurs que nous sommes.

Au nom du Groupe progressiste du Sénat, je vous remercie des services que vous avez rendus à notre institution et de votre immense contribution. Nous vous souhaitons le meilleur pour les années à venir.

Wela’lin, merci.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Jessica Ripley, la fille de la sénatrice Seidman, de son gendre, Steve Soifer, et de son petit-fils, Zac Ripley Soifer.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L’honorable Judith G. Seidman

Remerciements

L’honorable Judith G. Seidman : Je vous remercie, honorables sénateurs.

Sénateur Housakos — Leo —, sénateur Gold — Marc —, sénatrice Saint-Germain — Raymonde —, sénateur Tannas — Scott —, et sénateur Francis — Brian —, un grand merci du fond du cœur.

Votre Honneur, il me semble indiqué de me tourner d’abord vers vous avant de commencer, comme on le fait habituellement lorsque vous nous donnez la parole. Je vous remercie.

Le 15 septembre 2009, le premier jour de séance du Sénat après la pause estivale, j’étais assise en compagnie de huit futurs confrères et consœurs dans une petite pièce magnifique, le salon de la Francophonie, tout près de la salle du Sénat, dans l’édifice du Centre. Je me pinçais. C’était sans doute de cela qu’il était question lorsqu’on parlait d’« expérience extracorporelle ».

Nous étions tous assis dans une grande salle de conférence à attendre sagement, mais avec nervosité, que notre nom soit nommé pour entrer dans la Chambre rouge. Alors que les gens entendaient leur nom et qu’ils sortaient les uns après les autres, vraisemblablement pour faire leur entrée dans la salle, quelqu’un a dit : « Et si, en traversant la porte, on sombrait dans le fond de nulle part, comme dans Alice au pays des merveilles? » Eh bien, certains jours, sur la Colline du Parlement, on a vraiment l’impression d’être Alice qui tombe dans le terrier.

Pour moi, c’était un honneur et un privilège immenses que d’avoir été nommée sénatrice par le très honorable Stephen Harper, qui était alors premier ministre, mais j’y voyais aussi une grande responsabilité. Je le remercie de la confiance qu’il m’a accordée alors.

Au cours de ces 16 années, j’ai appris à comprendre pleinement le devoir qui m’a été confié en tant que sénatrice du Québec, celui de donner une voix à ceux qui n’en ont pas, en particulier les minorités du Québec.

Honnêtement, je n’aurais jamais imaginé me retrouver dans cette auguste Chambre. C’est vrai que pendant que mes amis tapissaient leur chambre d’affiches de vedettes rock au secondaire et à l’université, je posais des affiches de candidats politiques. Au fil des ans, la politique est devenue ma passion et mon passe-temps. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours pensé que nous avions beaucoup de chance de vivre au Canada, et que nous ne devions pas tenir notre démocratie pour acquise. Il est donc de notre responsabilité de veiller à ce que les libertés et les possibilités dont nous jouissons en tant que Canadiens ne soient jamais compromises. Selon moi, la meilleure façon d’y parvenir était de trouver un moyen de m’engager dans la sphère publique et de donner en retour à nos communautés pour les remercier de tout ce qu’elles nous ont donné.

Si j’ai eu la chance d’avoir de bons professeurs et de bons amis au fil des ans, il ne fait aucun doute dans mon esprit que la personne qui a exercé la plus grande influence dans ma vie a été l’homme attentionné et déterminé que j’ai connu dès ma naissance, c’est-à-dire mon père. Il m’a enseigné, à moi l’aînée de trois filles, les valeurs, les principes, le courage, la force, la loyauté et l’engagement. Tout au long de sa vie, il m’a montré un bel exemple d’implication dans le service public, principalement et surtout dans son travail auprès des jeunes en tant qu’innovateur à l’échelle locale, provinciale, nationale et internationale.

Chers collègues, je dois admettre que ce moment charnière, la fin de l’une des périodes les plus importantes de ma vie, c’est-à-dire les 16 dernières années passées au sein de la famille du Sénat, me pousse à faire une sorte de bilan. La première chose qui me vient à l’esprit, c’est la chance que nous avons d’avoir du temps dans notre travail ici, de pouvoir avoir une vue d’ensemble et d’intervenir dans les grands dossiers qui touchent notre pays.

Comme vous l’avez entendu aujourd’hui et comme beaucoup d’entre vous le savent, la plupart des travaux que j’ai effectués ici au fil des années ont été axés sur les soins de santé et la politique sociale, deux domaines dans lesquels le gouvernement fédéral a des compétences limitées, mais dans lesquels le leadership national occupe une place importante, voire nécessaire. Vous m’avez entendue débattre de projets de loi d’initiative ministérielle et poser des questions à des ministres ou au leader du gouvernement.

Les mesures législatives d’initiative ministérielle portant sur la santé que nous avons adoptées au Sénat, parfois avec des amendements, mais toujours après un second examen objectif, comme les lois sur le cannabis et le vapotage, les projets de loi sur l’assurance-médicaments et les soins dentaires, la Loi canadienne sur l’accessibilité, la Prestation canadienne pour les personnes handicapées et les mesures législatives sur l’aide médicale à mourir, ont été importantes en soi, mais nous devons nous attaquer à des questions encore plus importantes.

Selon moi, les défis les plus difficiles auxquels nous sommes actuellement confrontés dans le domaine de la santé sont notamment les suivants : les moyens de fournir des soins de santé primaires de première ligne et des services sociaux efficaces à une population qui prend de l’âge et qui souhaite vieillir à domicile sans quitter sa communauté; la solution aux pénuries aiguës de ressources humaines dans le secteur de la santé et aux graves faiblesses systémiques de nos systèmes de santé; les moyens de mettre en place les infrastructures nécessaires pour répondre au besoin urgent de données nationales robustes et normalisées en matière de santé, notamment pour faire face à des crises comme la pandémie que nous venons de traverser.

(1400)

Nous devons nous poser une autre grande question qui est au cœur de la raison d’être de notre institution, chers collègues. Allons-nous effectuer l’examen législatif des projets de loi importants, en particulier ceux qui nécessitent une révision et une évaluation scientifiques continues, pour tenir compte des changements apportés aux politiques de santé qui pourraient avoir des conséquences imprévues?

Le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir, qui a d’abord été mis sur pied en décembre 2015 à la suite de l’arrêt Carter c. Canada (Procureur général) de la Cour suprême, devait conseiller le gouvernement sur la mise en place d’un cadre fédéral pour l’adoption des mesures législatives nécessaires visant à rectifier ce qui, selon la décision, contrevenait à la Charte canadienne des droits et libertés. Ce fut un privilège de faire partie de ce comité aux côtés de quatre de mes collègues du Sénat — les honorables James Cowan, Serge Joyal, Nancy Ruth et Kelvin Ogilvie —, qui ont tous pris leur retraite, ainsi que de 11 députés. Nous avons travaillé pendant deux mois et nos recommandations ont mené à l’adoption de la toute première loi canadienne sur l’aide médicale à mourir.

J’estime que cette étude a été l’une des plus éprouvantes, tant sur le plan intellectuel que sur le plan émotionnel, de toute ma carrière de parlementaire.

Consciente du rôle fondamental que joue le Sénat dans la protection des intérêts des minorités, je me suis toujours efforcée de plaider la cause des communautés anglophones du Québec. J’espère sincèrement avoir bien rempli ma mission à cet égard.

Chers collègues, j’ai collaboré de près avec tellement de gens parmi vous au fil des ans, que ce soit pour les travaux des comités, un projet donné ou un dossier d’actualité. Dans l’ensemble, les comités ont réalisé de grandes études qui, selon moi, ne devraient surtout pas s’empoussiérer sur une tablette. Vous savez que j’ai souvent cité les constatations et les recommandations pertinentes des études des comités sénatoriaux pendant nos délibérations, dans l’espoir que nous puissions nous en inspirer.

J’ai aussi été porte-parole de l’opposition pour de nombreuses mesures législatives. Collaborer dans le but d’offrir un meilleur texte législatif aux Canadiens, voilà l’objectif auquel nous aspirions toujours. Je vous remercie, honorables sénateurs, ce fut à la fois inspirant et formateur de travailler avec vous au service des Canadiens.

Pour ce qui est des travaux réalisés depuis cinq ans par le Comité sénatorial permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, j’ai été privilégiée que vous me fassiez assez confiance pour traiter les nombreuses questions de nature très délicate se rapportant au code d’éthique dont le comité est saisi. Je peux vous assurer que nous avons toujours gardé à l’esprit que notre objectif premier consistait à superviser le code d’éthique des sénateurs et à préserver l’intégrité du Sénat.

Un merci tout spécial à mes collègues du comité. Ce fut un honneur de servir cette institution à vos côtés.

Avant de partir à la retraite, je dois parler de la grande famille qui nous apporte son soutien, vous tous qui êtes notre source constante d’énergie, ceux qui nous entourent et qui rendent notre travail possible à bien des égards. Je vois cela comme un grand cercle qui commence avec notre greffière du Sénat, Shaila Anwar, qui travaille sans relâche pour créer un environnement de travail de la plus haute qualité pour tous. J’ai beaucoup appris en travaillant avec vous, Shaila. Merci.

Je tiens à remercier notre huissier du bâton noir et les pages du Sénat qui, chaque jour, nous apportent de l’eau et d’autres articles indispensables, avec le sourire, pendant que nous sommes à nos pupitres dans la salle.

Je remercie le Bureau de la procédure et des travaux de la Chambre, les greffiers au Bureau et les personnes qui travaillent dans les coulisses et veillent au bon fonctionnement et à l’ordre au Sénat.

Je tiens à remercier la légiste et conseillère parlementaire qui a apporté une aide précieuse au Comité sur l’éthique et les conflits d’intérêts et qui rédige bon nombre des projets de loi d’intérêt public du Sénat.

Je remercie le Service de sécurité du Sénat, désormais les Services de protection parlementaire, qui se soucient vraiment de notre sécurité. Nous le constatons chaque jour dans leurs actions.

Je remercie nos équipes dévouées des directions de l’Administration : Ressources humaines, Finances, Informatique et télécommunications, Sécurité institutionnelle, Services des immeubles, Communications, Services de télédiffusion, Publications et Comités. Elles sont toujours prêtes à trouver des solutions à nos nombreux problèmes.

Enfin, je tiens à saluer plus particulièrement les chauffeurs des minibus, qui n’hésitaient pas faire un petit bout de chemin de plus pour nous pendant les longues et froides nuits d’hiver qui suivaient les séances prolongées.

À vous tous, je dis : « Un million de roses, un million de mercis. »

Mes remerciements et ma gratitude vont aussi aux greffiers du Comité sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs que j’ai côtoyés au fil des ans pour leur professionnalisme, leur soutien, leurs conseils et leur dynamisme. Merci donc à Marie-Eve Belzile et à Joëlle Nadeau, mais aussi à Shaila Anwar et à Gérald Lafrenière, qui ont répondu « présents » quand le besoin s’est fait sentir.

Merci à l’équipe de direction et à la petite, mais ô combien redoutable équipe de mon caucus, surtout pour votre soutien et votre amitié pendant toutes ces années. Je pars avec la conviction qu’avec sa grande expérience, notre leader, le sénateur Housakos, saura vous guider et vous éviter les écueils qui vous attendent.

Merci aussi à la conseillère du Bureau du whip, Karma Macgregor, dont le dévouement et la très grande efficacité ont été d’une grande utilité aux quatre whips à qui elle a prêté main-forte au fil des ans. Mon mandat à moi à titre de whip de l’opposition a coïncidé avec la pandémie de COVID, et c’est pour cette raison qu’on a fini par me surnommer « la whip COVID ». J’ai ainsi pu veiller sur la santé et la sécurité de tous mes collègues du Sénat, notamment grâce à mon passé d’épidémiologiste. Le style tyrannique généralement associé aux fonctions de whip, ce n’est pas ma vocation.

Au personnel de l’équipe de direction du troisième étage : que ferions-nous sans vous? Vous étiez toujours prêts à donner un coup de main, malgré les longues journées et les séances prolongées.

Je veux aussi remercier certaines personnes de mon bureau : Valérie Wolfe, qui m’a accompagnée dès le début pour m’apprendre les processus et les procédures, ainsi que tout ce qui concerne le Sénat; Gabrielle Bérard, qui était une conseillère compétente en matière de législation sur la santé; et Valerie Michailovich, qui a dû travailler dans l’isolement pendant la pandémie de COVID, mais qui s’est toujours lancée avec enthousiasme et vivacité dans toutes les recherches. J’étais très fière lorsqu’elle a décidé de poursuivre ses études pour obtenir une maîtrise en santé publique. Je veux aussi remercier Sylvie Clément, à savoir la personne qui veille tous les jours au bon fonctionnement de ma vie au Sénat, dans tous ses aspects. Nous avons traversé beaucoup d’épreuves ensemble au cours de ces dernières années. Sylvie, vous avez dirigé l’équipe de notre bureau, et j’ai toujours apprécié vos conseils, votre jugement et votre capacité d’organiser les choses avec calme pour que tout reste stable, même dans les moments les plus intenses que nous vivons tous ici.

Je veux aussi transmettre un message à ma merveilleuse famille : mes défunts parents, Riva et David; mon défunt mari, John; mon défunt mari, Olli; mes sœurs et beaux-frères, Iris, Stephen, Bonnie et Renaud; ma fille que j’aime tant, Jessica Ripley; mon gendre Steve Soifer; et mon incomparable petit-fils Zac. Je vous aime tous très fort. Merci pour votre patience, votre soutien et votre amour inconditionnel pendant toutes ces années où je ne vous ai probablement pas accordé toute l’attention que vous méritez, mais ce moment approche.

Jessica, si je puis m’exprimer d’une génération à une autre génération, tu as toi aussi choisi de redonner à ta communauté et à ton pays par l’intermédiaire de ton travail et de ton leadership national dans le domaine de la justice pour les jeunes. Tu es une source d’inspiration pour moi.

Chers collègues, je suis très reconnaissante et je me sens très chanceuse d’avoir eu le privilège de servir les Montréalais, les Québécois et les Canadiens pendant ces 16 dernières années.

Enfin, il me semble approprié de terminer en citant mon petit-fils bien-aimé, Zachary Ripley Soifer, qui m’a dit, alors qu’il n’avait que 10 ans : « Grand-maman, ne suis pas ton ombre, regarde vers l’avenir. » Je vais essayer de suivre ce conseil qu’il m’a fait quand il était tout jeune.

Merci.

Des voix : Bravo!

(1410)

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Mitch Monette, directeur du Service de protection parlementaire, ainsi que d’autres membres du Service de protection parlementaire.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

Déclaration de la présidence

Son Honneur la Présidente : Honorables collègues,

Il y a dix ans, une nouvelle ère de sécurité et de protection prenait forme au Parlement du Canada.

C’est le 23 juin 2015 que le Service de protection parlementaire, le SPP, était officiellement institué par sanction royale, marquant ainsi le début d’un nouveau service et d’un engagement commun envers la protection de notre démocratie.

À l’occasion de cet anniversaire, nous souhaitons célébrer l’ensemble des personnes travaillant au sein de cette grande équipe, au service de notre Parlement.

Chers membres du Service de protection parlementaire :

Je remercie chacun d’entre vous de protéger nos institutions démocratiques en restant fidèle à votre mission, à nos traditions parlementaires et à l’héritage opérationnel passées, transmis de génération en génération par les services de sécurité qui ont protégé la Colline du Parlement au fil du temps.

Nous apprécions vivement votre professionnalisme, votre sens du devoir et votre quête de l’excellence.

Depuis sa création en 2015, à la suite des événements tragiques du 22 octobre 2014, les membres du SPP veillent jour et nuit à la sécurité de la Colline du Parlement et de ses institutions.

Dans un contexte de menaces et de problèmes mondiaux grandissants, votre engagement exceptionnel est indéfectible. Vous êtes là : fidèles, et vous vous distinguez par votre courage et votre dévouement.

Chers membres du SPP, vous êtes souvent les premiers visages que nous croisons, les derniers que nous saluons, et votre présence rassurante incarne la stabilité et la résilience de notre démocratie.

En toutes circonstances, tant devant le public qu’en coulisses, vous conjuguez vigilance, respect et professionnalisme.

Au nom de tous les honorables sénatrices et sénateurs, ainsi qu’au nom de l’ensemble des employés du Sénat et du Parlement du Canada, merci aux personnes qui forment le Service de protection parlementaire.

Merci de veiller, chaque jour et chaque nuit, sur nos institutions démocratiques.

Bon dixième anniversaire!

Des voix : Bravo.

[Traduction]

Visiteur de marque à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de notre ancien collègue l’honorable Donald Neil Plett.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je suis heureuse de vous revoir au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La guerre de Corée

Le soixante-quinzième anniversaire

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Sénatrice Seidman, nous vous respectons et vous apprécions tous énormément. Je ne saurais exprimer à quel point vous me manquerez.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner un événement marquant de notre histoire commune : le 75e anniversaire du déclenchement de la guerre de Corée, qui a débuté le 25 juin 1950, lorsque les forces communistes nord-coréennes se sont lancées dans une invasion massive de la Corée du Sud. Cet acte d’agression a déclenché une guerre qui continue de façonner le paysage géopolitique de la péninsule coréenne et du monde entier encore aujourd’hui.

L’armistice a été signé trois ans plus tard, soit le 27 juillet 1953, mettant fin aux hostilités, divisant le pays le long du 38e parallèle et séparant d’innombrables familles de part et d’autre de la frontière, y compris la mienne, car la guerre n’est toujours pas terminée.

La guerre de Corée est l’un des engagements militaires les plus importants du Canada à l’étranger au cours du XXe siècle. Près de 27 000 Canadiens courageux ont répondu à l’appel des Nations unies pour défendre la paix et l’ordre international, servant avec distinction dans la Marine royale canadienne, l’Armée canadienne et l’Aviation royale canadienne. Après l’armistice signé le 27 juillet 1953, plus de 7 000 autres Canadiens ont participé à des missions de maintien de la paix, continuant ainsi à soutenir la stabilité dans la région.

Ce 75e anniversaire nous amène surtout à prendre la mesure de l’immense courage, de l’esprit de sacrifice et de la résilience des anciens combattants canadiens. Malgré les conditions extrêmes et l’obstination de l’ennemi, ils ont fait preuve de fermeté et de détermination. Leurs sacrifices, ce n’est pas pour la gloire ou les récompenses qu’ils les ont faits, mais par sens du devoir et de l’honneur et par soif de paix et de liberté. Leur bravoure est ancrée dans l’âme de notre pays, et leur exemple continue d’inspirer génération après génération. Nous leur devons plus que des mots. Nous devons honorer leur mémoire, les respecter et leur promettre que nous n’oublierons jamais ce qu’ils ont fait pour nous. Le Canada et les gens d’origine coréenne de partout dans le monde leur sont à jamais redevables.

Nous rendons hommage aux vétérans de la guerre de Corée non seulement pour ce qu’ils ont accompli sur le champ de bataille, mais aussi pour ce qu’ils ont contribué à bâtir : une Corée du Sud libre et démocratique et une fière tradition canadienne de maintien de la paix et de leadership mondial.

Honorables sénateurs, soulignons cet anniversaire historique avec grand respect, fierté et, surtout, une immense gratitude. Faisons en sorte que les générations de demain se souviennent des sacrifices qu’ils ont faits à l’étranger afin de défendre la liberté. N’oublions jamais leur courage et continuons de raconter leur histoire et d’honorer leurs sacrifices, aujourd’hui et à jamais.

Des voix : Bravo!

Le décès de Denis Gratton

L’honorable Lucie Moncion : Sénatrice Seidman, vous aurez été la grâce incarnée jusqu’à la fin.

[Français]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en hommage à un journaliste d’exception et un Franco-Ontarien engagé, M. Denis Gratton, qui nous a quittés le 7 décembre dernier. Dans sa dernière chronique publiée dans Le Droit le 24 mars 2023, Denis Gratton nous annonçait sa bataille contre le cancer du poumon, un combat qui allait se révéler long et éprouvant. Je le cite :

Ouf! Il ne sera pas facile ce combat. Mon adversaire est redoutable, impitoyable, intraitable. La lutte sera inégale. Mais je vais tout de même me battre. Un p’tit cul de Vanier ne recule devant rien. Je serai dans mon coin, gants aux poings. Pas le choix. Même si je sais que je serai le David contre le Goliath.

Des luttes et des combats, il en avait déjà vécu plusieurs. De la lutte S.O.S. Montfort de 1997 au jeudi noir de l’Ontario français en 2018, Denis Gratton a toujours su documenter les batailles menées par notre communauté. D’ailleurs, aux côtés de sa tante Mme Gisèle Lalonde, dont il a certainement hérité ses gènes de militant, il avait réussi à faire connaître S.O.S. Montfort, à rassembler les militants et à persuader l’opinion publique du bien-fondé de ce combat. Le rôle qu’il a joué dans cette bataille est indéniable.

Tel David contre le Goliath, la communauté franco-ontarienne avait gagné son combat contre le gouvernement de l’époque en grande partie grâce au travail de M. Gratton et de son frère Michel.

(1420)

Doté d’une plume bien affûtée et d’un esprit vif, il a toujours su parler des enjeux les plus politisés avec tact, délicatesse et, bien souvent, beaucoup d’humour. En plus de 30 ans, il est devenu une icône du journal Le Droit, racontant les victoires, les échecs, les défis et les succès de l’Ontario français. Il a mis son talent au service de sa communauté tout en ne laissant jamais passer une occasion de la défendre — parfois même au risque de susciter de fortes réactions.

Comme il se doutait de son départ, Denis a publié une chronique qu’il pensait bien être sa dernière et en a profité pour faire ses adieux à son fidèle lectorat. Il a conclu cette chronique en disant ce qui suit : « Vous savez comment gros je vous aime, la gang? Sachez que je vous aimerai toujours autant. »

Denis, toute la communauté franco-ontarienne continuera de t’aimer et de chérir chacune de tes chroniques. J’offre mes plus sincères condoléances à ta famille, à tes amis et à tous ceux et celles que tes écrits ont accompagnés pendant 32 ans.

À toi qui as consacré ta carrière à la défense de nos droits, à la promotion de notre culture et de notre patrimoine et, surtout, à la documentation de nos combats et à la préservation de notre mémoire collective, je dis merci pour tout. Tu demeureras à jamais un emblème du journalisme et une figure inoubliable du militantisme franco-ontarien. Repose en paix.

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de membres de l’escadron du Programme d’initiation au leadership à l’intention des Autochtones (PILA) du Collège militaire royal du Canada de Kingston. Ils sont les invités des honorables sénatrices Boyer et Patterson.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le vol 182 d’Air India

L’honorable Peter Harder : Honorables sénateurs, il était environ minuit et 14 minutes le 23 juin 1985 quand la minuterie de la bombe placée à bord d’un avion qui venait de partir de Mirabel et qui devait faire escale à Heathrow a détonné.

Les 329 passagers qui étaient à bord ont perdu la vie dans cet attentat odieux. Parmi eux, 82 enfants, 6 bébés et 29 familles entières. Cet acte de terrorisme a plongé dans le deuil de nombreux parents, veufs et veuves, frères et sœurs désormais uniques et enfants désormais orphelins.

Je peux seulement imaginer la peur, la confusion et la panique qui se sont emparées de ces gens pendant les secondes qui ont suivi, mais aussi les prières qu’ils ont dû faire. Je peux seulement imaginer la tristesse des familles et des amis endeuillés.

Avant le 11 septembre 2001, il s’agissait du pire acte de terrorisme visant un public voyageur de l’histoire. Je parle du vol 182 d’Air India.

Lundi, 40 ans se seront écoulés depuis cette tragédie canadienne. Il a fallu 20 ans et le rapport Leçons à retenir, publié en 2005 par l’honorable Bob Rae, pour que l’explosion du vol 182 d’Air India soit considérée comme un acte terroriste visant des Canadiens. Dans son rapport, M. Rae écrit :

Ne nous y trompons pas : l’attentat à la bombe contre le vol d’Air India était le résultat d’un complot ourdi et exécuté au Canada. La plupart des victimes étaient de nationalité canadienne. Il s’agissait d’une catastrophe canadienne, dont l’ampleur et la signification doivent être comprises par toute la population canadienne.

La Commission d’enquête relative aux mesures d’investigation prises à la suite de l’attentat à la bombe commis contre le vol 182 d’Air India, menée par le juge John C. Major, a été mise sur pied après la publication de ce rapport. Je tiens à remercier ces deux hommes pour le travail qu’ils ont accompli sur un sujet aussi crucial que délicat.

S’il n’en tenait qu’aux terroristes, un autre avion aurait aussi été détruit par une bombe. En effet, le 22 juin 1985, une valise déchargée d’un vol des Lignes aériennes Canadien Pacifique en provenance de Vancouver, qui devait être transférée vers le vol 302 d’Air India à destination de Bangkok, a explosé dans la zone de transit de l’aéroport Narita, à Tokyo. Nous ne devons pas non plus oublier cet attentat effroyable qui a coûté la vie à deux bagagistes.

Pendant que j’ai la parole, j’aimerais aussi offrir mes condoléances aux familles des personnes qui ont perdu la vie dans la catastrophe aérienne du vol 171 d’Air India, survenue la semaine dernière. Deux Canadiens, soit une Ontarienne et un résident permanent de la Saskatchewan, figuraient parmi les victimes.

Honorables sénateurs, je m’efforce de reprendre le flambeau de notre ancienne collègue Ratna Omidvar en revenant sur cette histoire. J’espère que ce rappel aidera la population canadienne à saisir l’ampleur et la signification de cette catastrophe et à s’assurer qu’elle ne tombe pas dans l’oubli.

Je vous invite, pour mieux comprendre cette horrible tragédie et contribuer à garder son souvenir bien vivant, à visionner le documentaire diffusé récemment par le réseau CBC intitulé Two Suitcases: Anatomy of the Air India Bombing. Merci.

Le décès de Bruce Uviluq

L’honorable Paul (PJ) Prosper : Honorables sénateurs, le 21 juin marque la Journée nationale des peuples autochtones. Beaucoup célèbrent cette journée. Beaucoup se souviennent du passé. Malheureusement, beaucoup d’entre nous sont personnellement aux prises avec des démons ou ont un proche qui l’est. Il est tragique que nous perdions tant de gens bien trop jeunes.

L’une de ces personnes est Bruce Uviluq, le fils décédé récemment de notre ancien collègue l’honorable Dennis Patterson. Voici un extrait de l’éloge funèbre prononcé par Dennis :

Il y a environ 48 ans, par un magnifique printemps de l’Arctique, Bruce Qasigiaq Uviluq est né à l’hôpital local de sa mère, Marie Uviluq.

Le monde s’est arrêté de tourner pour moi à l’instant où ce magnifique garçon est venu au monde.

Ce garçon a grandi en aimant le plein air, et tout particulièrement le grandiose printemps de l’Arctique, et excellait dans le cyclisme, la lutte et la motoneige.

Il a adoré son premier emploi, qui consistait à patrouiller dans la nature sauvage pour Parcs Canada. Il a d’ailleurs sauvé un officier supérieur de l’armée qui avait été emporté par un ruisseau de montagne torrentueux à Auyuittuq et avait perdu son sac à dos. Bruce l’a sorti des eaux tumultueuses et lui a sauvé la vie.

Il a ensuite travaillé avec dévouement pour Nunavut Tunngavik, où il a négocié des ententes relatives aux parcs, aux aires de conservation et aux rivières patrimoniales, des ententes sur les répercussions et les avantages et, plus récemment, des accords de mise en œuvre. Il est devenu un ardent défenseur des droits et des avantages des Inuit tout au long de sa vie.

Bruce a deux fils bien-aimés, Miles et Hunter, auxquels il se consacrait entièrement pour leur faire découvrir le territoire et leur enseigner les techniques de chasse qu’il maîtrisait si bien dans les grands espaces qu’il aimait tant.

Chers collègues, saluons l’altruisme et la profonde gentillesse de cet homme remarquable. Que son esprit nous apaise comme une douce brise en ces temps troublés.

Reposez en paix, Bruce.

[Français]

La Journée nationale de la sensibilisation à la drépanocytose

L’honorable Marie-Françoise Mégie : Honorables sénateurs, ce fut un véritable honneur de vous voir si nombreux ce matin à l’occasion du petit-déjeuner organisé pour la maladie falciforme.

Je tiens à remercier sincèrement tous mes collègues et les membres de leur personnel qui étaient présents. Je remercie aussi la ministre de la Santé d’avoir été là.

Ce matin, nous avons eu l’occasion d’entendre des témoignages émouvants illustrant la réalité des familles, des alliés et des personnes vivant avec la maladie falciforme. Merci, Ulysse et Josh.

Nous avons pu faire du réseautage, sensibiliser les différents acteurs concernés et encourager la tenue de discussions constructives sur les actions concrètes à entreprendre, comme le don de sang, pour améliorer la prise en charge de la maladie falciforme.

Ce qui m’a surtout interpellée, c’est le rapport de 2024 de la Société canadienne du sang portant sur l’analyse décisionnelle fondée sur le risque.

Il est connu depuis longtemps que quelqu’un qui a séjourné dans un milieu où la malaria est endémique ou qui l’a contractée n’est pas autorisé à faire des dons de sang au Canada pour le reste de sa vie. Donc, comme il y a moins de donneurs de sang, il y a moins de sang en banque pour la population, y compris pour les personnes atteintes de la maladie falciforme. Ce rapport nous a appris aussi que la France, les États-Unis et le Royaume-Uni ont modulé leurs restrictions à cet effet.

(1430)

Mon souhait, c’est que la maladie falciforme soit connue de tous et qu’elle fasse l’objet d’une meilleure prise en charge à tous les niveaux : prévention, diagnostic, traitement — avec les transfusions sanguines — et accompagnement. Bonne Journée nationale de la sensibilisation à la drépanocytose.

Le Sénat

Hommages aux pages

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, nous avons trois autres pages qui nous quittent cette année.

[Traduction]

Grace Zhang : Grace est fière d’avoir eu la chance de faire partie du Programme des pages du Sénat et d’y avoir représenté les membres de la communauté sino-canadienne. L’automne prochain, elle en sera à la dernière année de son programme de premier cycle à l’Université d’Ottawa et elle souhaite ensuite entreprendre des études en droit. Elle tient à remercier le bureau de l’huissier du bâton noir ainsi que ses collègues pages de leur appui tout au long de l’année. Elle est impatiente de voir où la vie la mènera.

Samantha Mann : Ayant eu le privilège d’être première page adjointe, Samantha termine ses trois années dans le Programme des pages du Sénat au terme de ses études à l’Université d’Ottawa.

[Français]

La semaine dernière, elle a obtenu son baccalauréat en science politique avec une mineure en histoire en immersion française. Cet automne, elle commencera une maîtrise ès arts (affaires internationales) à l’Université Carleton.

[Traduction]

Elle sera à jamais reconnaissante de son expérience à la Chambre haute. Elle tient à remercier M. Peters, John, Keean et Manon, du bureau de l’huissier du bâton noir, ainsi que Jesse et ses collègues de leur soutien et de tous les souvenirs qu’ils se sont faits ensemble au Sénat.

Jesse Johnson : Jesse, qui était premier page, sera à jamais reconnaissant pour ses trois années dans le Programme des pages du Sénat. Il vient de terminer son baccalauréat à l’Université Carleton et il entreprendra une maîtrise en observation de la Terre et gestion de la géoinformation à l’Université d’Édimbourg.

[Français]

Jesse aimerait remercier M. Peters, John, Sam, Keean et Manon, du bureau de l’huissier du bâton noir, de leur soutien constant tout au long de son mandat comme page. Il aimerait aussi remercier chaque sénateur et les membres de l’administration pour leurs conseils et leurs directives. Ce fut un honneur pour Jesse de représenter sa province, le Québec, au Sénat du Canada.


[Traduction]

AFFAIRES COURANTES

Projet de loi sur l’unité de l’économie canadienne

Energy NL—Dépôt de document

L’honorable Iris G. Petten : Honorables sénateurs, conformément à l’ordre adopté le 17 juin 2025, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, un document au sujet du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada, de la part d’EnergyNL.

L’Assemblée des Premières Nations—Dépôt de document

L’honorable Judy A. White : Honorables sénateurs, conformément à l’ordre adopté le 17 juin 2025, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, un document au sujet du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada, de la part de l’Assemblée des Premières Nations.

Le Bureau de la concurrence du Canada—Dépôt de document

L’honorable Colin Deacon : Honorables sénateurs, conformément à l’ordre adopté le 17 juin 2025, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, un document au sujet du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada, de la part du Bureau de la concurrence Canada.

[Français]

L’Association parlementaire Canada-Europe

La session annuelle de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, tenue du 29 juin au 3 juillet 2024—Dépôt du rapport révisé

L’honorable Peter M. Boehm : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire Canada-Europe concernant la 31e session annuelle de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, tenue à Bucarest, en Roumanie, du 29 juin au 3 juillet 2024.

La réunion d’automne de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, tenue du 2 au 4 octobre 2024—Dépôt du rapport révisé

L’honorable Peter M. Boehm : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire Canada-Europe concernant la 22e réunion d’automne de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, tenue à Dublin, en Irlande, du 2 au 4 octobre 2024.

La Mission d’observation électorale de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, du 2 au 5 novembre 2024—Dépôt du rapport

L’honorable Peter M. Boehm : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire Canada-Europe concernant la Mission d’observation électorale de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, tenue à Washington, D.C., et dans d’autres régions, du 2 au 5 novembre 2024.

Projet de loi sur le cadre national sur la maladie falciforme

Dépôt d’une pétition

L’honorable Marie-Françoise Mégie : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer une pétition de résidents de l’Ontario et du Québec qui appuient le projet de loi S-201, Loi concernant un cadre national sur la maladie falciforme.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

La sécurité publique

L’ingérence étrangère

L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, maintenant que la République islamique d’Iran est sur le point de s’effondrer, les spécialistes canadiens de la sécurité sonnent l’alarme, car ils craignent que des représentants du régime, y compris des membres du Corps des gardiens de la révolution islamique, tentent bientôt de fuir le pays pour s’installer au Canada, comme d’autres l’ont fait avant eux.

Même si les représentants officiels de l’État iranien sont interdits de territoire au Canada depuis 2022, on sait qu’au moins 20 d’entre eux vivent ici et qu’un seul a été expulsé. Les juristes joignent leur voix à celle des militants canado-iraniens pour nous prévenir que le Canada est devenu un refuge pour ces gens, qui sont nombreux à présenter de fausses demandes d’asile pour pouvoir demeurer ici.

Monsieur le leader du gouvernement, étant donné que le pays ne dispose toujours pas d’un registre des agents étrangers, comment les Canadiens peuvent-ils faire confiance au gouvernement et croire qu’il a fait le nécessaire pour empêcher des proches de régimes étrangers de se réfugier au Canada?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie, sénateur. Comme on a pu le voir lors du sommet du G7 qui s’est tenu dernièrement, le gouvernement et ses alliés font tout pour renforcer et améliorer la sécurité, et ce, sur tous les points possibles, ce qui s’applique aussi à quiconque souhaite venir au Canada par divers moyens.

Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, demain, un an se sera écoulé depuis que le projet de loi C-70 a reçu la sanction royale. Pourtant, le registre des agents étrangers n’existe toujours pas, car il n’a pas été créé.

Cette initiative a été présentée pour la première fois par l’ancien député Kenny Chiu en 2021, puis réintroduite au Sénat par mes bons soins après qu’il a perdu son siège à cause de l’ingérence étrangère. Depuis lors, le gouvernement a fait des promesses à plusieurs reprises, mais il n’a rien fait. Dites-nous franchement : le gouvernement prend-il vraiment cette menace au sérieux, ou le projet de loi C-70 n’était-il qu’une opération de relations publiques? Nous avons toujours un problème grave.

Le sénateur Gold : Le gouvernement prend très au sérieux les menaces qui pèsent sur notre sécurité, et je ne manquerai pas de faire part de ces préoccupations au ministre si j’en ai l’occasion, mais mon bureau assurera certainement le suivi.

Les affaires mondiales

Les relations Canada-Russie

L’honorable Denise Batters : Sénateur Gold, l’ambassadrice du Canada en Russie, Sarah Taylor, a récemment publié un gazouillis commémorant l’établissement des relations diplomatiques avec l’URSS, c’est-à-dire le régime totalitaire répressif de Staline responsable de la mort de millions de personnes dans les goulags et de la famine massive connue sous le nom d’Holodomor.

Le défenseur des droits de la personne Marcus Kolga, qui compte parmi les gens qui se sont opposés au gazouillis de l’ambassadrice du Canada, a dit :

[...] mon grand-père était au nombre des milliers d’Estoniens qui ont été emprisonnés dans les goulags soviétiques en raison de leur identité et de leurs convictions. Des centaines de milliers d’autres citoyens — Ukrainiens, Polonais, Lettons et Lituaniens — ont également été arrêtés. Beaucoup ne sont jamais rentrés chez eux.

Sénateur Gold, le dictateur meurtrier actuel de la Russie, Poutine, poursuit depuis trois ans son invasion brutale de l’Ukraine. Les massacres et la misère accablante persistent au quotidien. Poutine a déclaré son intention de récupérer l’Ukraine et d’autres territoires désormais souverains pour les intégrer dans une nouvelle URSS unifiée. Pourquoi diable l’ambassadrice du Canada souligne-t-elle un tel événement?

(1440)

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le gouvernement actuel et les gouvernements qui l’ont précédé ont toujours fermement appuyé l’Ukraine alors qu’elle est confrontée à une guerre d’agression injustifiée menée par la Russie.

Le gouvernement a manifesté son soutien de façon très claire en invitant le président Zelensky à assister au sommet du G7. Dans une mesure sans doute encore plus importante, le gouvernement a imposé des sanctions sévères à plus de 3 000 personnes et entités, dont M. Poutine lui-même, son entourage immédiat, des banques russes, des membres du Conseil de sécurité de la Russie et des acteurs du secteur nucléaire.

La sénatrice Batters : Voilà qui est juste. Le Sénat a déjà adopté des motions condamnant l’invasion russe dirigée par Poutine. Des sénateurs ont prononcé des discours passionnés à l’appui de l’Ukraine et de sa lutte pour la liberté. Or, s’il est vrai que la liberté et la démocratie font partie intégrante de la politique étrangère du Canada, notre ambassadrice, qui est rémunérée par les contribuables, ne devrait pas afficher son soutien à un régime qui a tué des millions de personnes. Vu la tyrannie sanguinaire de Poutine, il est de plus en plus difficile de justifier la présence même de notre ambassadrice en Russie.

Pourrait-elle, au minimum, s’abstenir de laisser entendre que le Canada serait enclin à soutenir les ambitions impériales de ce cinglé russe?

Le sénateur Gold : La position du Canada à l’égard du régime actuellement au pouvoir en Russie et de ses actions ne fait aucun doute. Le gouvernement est catégorique : il accorde son soutien indéfectible à l’Ukraine et à ceux qui subissent les agressions ou les menaces d’agressions de la Russie.

Les services aux Autochtones

Les services de santé non assurés

L’honorable Nancy Karetak-Lindell : Sénateur Gold, je tiens à souligner le sous-financement chronique du Programme des services de santé non assurés relevant de Services aux Autochtones Canada. Le programme fédéral fournit des services essentiels aux Inuit, notamment des soins dentaires et de la vue, des fournitures médicales, des médicaments sur ordonnance, des services de santé mentale et du transport pour raisons médicales.

Le Nunavut, composé de 25 collectivités uniquement accessibles par avion, affiche certains des coûts de santé les plus élevés du pays, avec une moyenne de 27 000 $ par personne. C’est trois fois plus que la moyenne nationale. Nous sommes également confrontés à des risques sanitaires élevés en raison d’inégalités systémiques, notamment une crise du logement et l’insécurité alimentaire.

Au cours des 11 dernières années, le gouvernement du Nunavut a versé plus de 419 millions de dollars en services de santé non assurés et en frais médicaux en raison d’un soutien médical insuffisant. Le ministre de la Santé du Nunavut a souligné que le Nunavut ne pouvait pas continuer ainsi. Quelles mesures concrètes le gouvernement du Canada prend-il pour régler...

Son Honneur la Présidente : Je vous remercie, sénatrice Karetak-Lindell.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Merci d’avoir souligné cette lacune parmi tant d’autres dans les services offerts aux résidants du Nunavut, et du Nord en entier.

Merci également de vous joindre à nous au Sénat. Votre voix et votre expérience en tant que parlementaire représentant vos collectivités, particulièrement les petites collectivités situées à l’extérieur d’Iqaluit, seront très précieuses pour notre apprentissage et notre compréhension.

Je vais certainement soulever la question, comme vous le ferez, j’en suis sûr — je vous encourage à le faire — auprès de la ministre responsable chaque fois que l’occasion se présentera.

La sénatrice Karetak-Lindell : Je vous remercie. Dans le même ordre d’idées, l’initiative Les enfants inuits d’abord cherche à favoriser l’accès à la nourriture saine et aux services qui contribuent à la santé. Dans la mesure où cette initiative a un terme, que fait le gouvernement du Canada pour que son programme de services de santé non assurés ne creuse encore plus les inégalités sociales déjà importantes que connaît la population inuite?

Le sénateur Gold : Je ne suis pas en mesure de parler de ce qui arrivera après la période dont vous parlez, mais je vais aussi transmettre votre question à la ministre.

Les relations Couronne-Autochtones

Les droits des Autochtones

L’honorable Margo Greenwood : Ma question s’adresse au sénateur Gold.

La Journée nationale des peuples autochtones, le 21 juin 2025, est l’occasion de rappeler et de célébrer les traditions, les cultures, la contribution et les droits des Inuit, des Premières Nations et des Métis.

Cette journée importante est éclipsée par les événements récents. Les titulaires de droits dénoncent le projet de loi C-5. Cette mesure législative sans précédent, qui accorde des pouvoirs extraordinaires au Cabinet, fait l’objet d’une étude accélérée au Parlement. L’absence de consultations ternit l’honneur de la Couronne. Les titulaires de droits ont dit aux parlementaires que le projet de loi C-5 pourrait porter atteinte à leurs droits et qu’il va à l’encontre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Le gouvernement précédent était peut-être loin d’être parfait, mais il a quand même réussi à faire progresser la relation de nation à nation. Beaucoup craignent que la volonté de réconciliation ait atteint son paroxysme et que les choses recommencent à se détériorer.

Sénateur Gold, la réconciliation résistera-t-elle aux conséquences...

Son Honneur la Présidente : Je vous remercie, sénatrice.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie. Comprenez-moi bien, honorables sénateurs. Je comprends les préoccupations qui ont été exprimées. Je les ai moi-même entendues, comme tout le monde ici. La Constitution garantit les droits historiques reconnus et confirmés que les traités confèrent aux peuples autochtones, ce qui veut dire que le projet de loi C-5 ne pourra pas y porter atteinte.

Le gouvernement est conscient que les partenariats avec les peuples autochtones et les consultations auprès des dirigeants autochtones et des titulaires de droits sont effectivement essentiels. Le premier ministre vient d’ailleurs de répéter qu’avec le projet de loi C-5, le gouvernement a l’intention de respecter entièrement la notion et le concept de consentement donné librement et donné en connaissance de cause. Cette obligation figure dans le projet de loi, mais elle existe indépendamment de celui-ci. Aucun gouvernement ne peut se soustraire à cette obligation aussi importante qu’historique, et le gouvernement actuel n’en a certainement pas l’intention.

La sénatrice Greenwood : Je vous remercie. Le gouvernement acceptera-t-il les amendements visant à protéger les droits des peuples autochtones?

Le sénateur Gold : Je vous remercie. Vous êtes sans doute nombreux à ignorer que la Chambre des communes vient tout juste d’adopter une série d’amendements, ce qui veut dire qu’ils figureront dans le texte qui nous sera renvoyé. Certains de ces amendements portent justement sur les questions soulevées par les Premières Nations.

La défense nationale

Le système d’approvisionnement militaire

L’honorable Rebecca Patterson : Sénateur Gold, le remplacement de la flotte de sous-marins du Canada est en cours. Pour le Canada, ces sous-marins auront un effet dissuasif sur une Chine plus impérieuse et aideront à protéger notre souveraineté dans l’Arctique et à soutenir l’effort de défense maritime de l’OTAN. Le coût prévu pour acquérir jusqu’à 12 sous-marins dotés de capacités de pointe, y compris des capacités d’attaque furtive, de destruction et de déploiement dans l’Arctique, s’élèvera à environ 60 milliards de dollars au cours de leur cycle de vie. Comme les délais de production de ces vaisseaux submersibles sont incroyablement longs, le Canada devra attendre très longtemps avant de pouvoir utiliser un de ces sous-marins. N’oublions pas que le temps presse face à la menace d’un pays déterminé et agressif.

Sénateur Gold, êtes-vous en mesure de faire le point sur le processus d’approvisionnement en sous-marins? Sinon, pourriez-vous demander une réponse écrite au ministre?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Je ne suis pas en mesure de fournir un échéancier, mais je vais certainement me renseigner. Cela me donne l’occasion de rappeler à ceux qui nous regardent et, bien sûr, à ceux qui sont dans cette enceinte que le gouvernement a prévu des investissements sans précédent dans notre défense nationale. Il investira de façon permanente pour veiller à ce que nous ayons les ressources nécessaires — qu’il s’agisse des ressources matérielles, comme les sous-marins et d’autres technologies, ou des ressources humaines — pour protéger notre souveraineté et notre population, dans l’intérêt de tous les citoyens, et pour les générations à venir.

La sénatrice Patterson : Merci, sénateur Gold. J’attends avec impatience la réponse écrite.

Tout projet d’approvisionnement d’un tel coût et d’une telle durée doit pouvoir durer au fil des gouvernements successifs. Nous avons déjà parlé de la stratégie industrielle de défense, et je continuerai à soulever cette question. Pourriez-vous nous indiquer quand nous pouvons nous attendre à ce que cette stratégie soit mise en œuvre?

Le sénateur Gold : Merci. Comme je l’ai dit dans ma réponse, je ne manquerai pas de me renseigner sur votre première question, et j’ajouterai certainement cette autre question aux demandes de renseignements que j’adresserai au ministre.

Les services publics et l’approvisionnement

Le budget publicitaire

L’honorable Andrew Cardozo : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement.

Médias d’Info Canada demande au gouvernement fédéral de dépenser au moins 25 % de son budget publicitaire dans les médias traditionnels canadiens.

(1450)

Il semble que, sur les 86 millions de dollars dépensés par le gouvernement en publicité l’année dernière, seulement 1 % ait été consacré à des journaux canadiens. Il y a au moins trois raisons de dépenser davantage au Canada : premièrement, il faut acheter canadien pour bâtir un secteur médiatique canadien fort et une économie canadienne forte; deuxièmement, il faut soutenir les médias canadiens plutôt que les médias américains; troisièmement, il faut tenter de réduire la désinformation provenant de l’étranger. C’est une façon de soutenir financièrement le renforcement des médias d’information au Canada sans augmenter les coûts pour le Trésor public.

Ma question est la suivante : le gouvernement pourrait-il revoir son plan publicitaire et veiller à ce que la majorité, c’est-à-dire plus de 50 % — News Media Canada suggère 25 %, je suggère la majorité —, du budget de publicité soit consacré aux médias d’information canadiens, au Canada?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour votre question et pour votre engagement soutenu dans ce domaine important.

Je ne manquerai pas de transmettre vos recommandations au gouvernement, ainsi que celles dont vous avez parlé.

Le gouvernement actuel se concentre et continuera de se concentrer sur le service aux Canadiens. Cela inclut le fait de veiller à ce que les Canadiens aient accès, à tous égards, à des sources d’information crédibles et variées. Je transmettrai certainement vos questions et vos préoccupations au gouvernement.

Le sénateur Cardozo : Merci, sénateur Gold. Il est difficile d’obtenir des informations précises sur les dépenses. Pourriez-vous demander au ministre responsable de la Direction des services de publicité, qui est le ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, de fournir des chiffres et des détails sur les dépenses des dernières années et celles prévues pour cette année et l’année prochaine, avec une ventilation entre les médias canadiens et étrangers pour la presse écrite, la radiodiffusion et les médias en ligne.

Le sénateur Gold : Je ne manquerai pas d’ajouter cela à ma demande.

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Les niveaux d’immigration

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le leader, selon les estimations, le Canada a accordé environ 88 000 permis temporaires par mois en 2024. Jusqu’à maintenant, en 2025, ce nombre a presque doublé et s’élève à plus de 171 000 par mois.

Rien qu’entre janvier et avril, le Canada a enregistré 817 000 nouvelles arrivées, qui ont donné lieu à l’octroi de 491 400 permis de travail et de 194 000 permis d’études. Ces chiffres sont indéniablement renversants et soulèvent de sérieuses questions quant à la surveillance et à la planification.

Monsieur le leader, comment le gouvernement a-t-il pu perdre le contrôle de l’immigration à un tel point en seulement un an? Voilà un autre exemple d’une situation où le discours public contredit la réalité en coulisses, puisque le système n’a fait qu’accélérer la cadence sans qu’aucune forme de contrôle ne soit exercée.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question. Le gouvernement est déterminé à trouver le juste équilibre entre la nécessité, pour le Canada, d’attirer les ressources humaines dont notre économie et la croissance de notre société ont besoin, et sa capacité à intégrer et à aider ceux qui choisissent de venir s’installer ici pour notre bien à tous. Le gouvernement poursuivra ses efforts à cet égard.

Par le passé, le gouvernement a pris des mesures pour rajuster les niveaux d’immigration tout en veillant, comme nous l’avons entendu récemment dans cette enceinte, à ce que le Canada suive de près le nombre d’immigrants dont il a besoin pour assurer sa croissance économique et sa prospérité.

La sénatrice Martin : Certes, le discours du Trône promet l’équilibre, mais l’immigration temporaire continue de s’accélérer et d’exercer une pression toujours croissante sur le logement et les services sociaux. Quand on sait qu’il y a eu plus de 800 000 nouveaux arrivants au cours des quatre derniers mois, comment les Canadiens peuvent-ils faire confiance au gouvernement et le croire quand il dit qu’il respectera le plafond annoncé? Aurons-nous droit cette année à un véritable plan qui peut être mis en application ou devrons-nous encore nous contenter de discours creux?

Le sénateur Gold : Je crois qu’il suffit de regarder les résultats des élections et les sondages récents, qui créditent le premier ministre d’un niveau de satisfaction extrêmement élevé, pour constater que les Canadiens font confiance au gouvernement.

Je ferai de nouveau écho aux propos du premier ministre : c’est aux résultats qu’il produira que l’on pourra juger le gouvernement. Les Canadiens peuvent être sûrs qu’il fera tout pour mériter leur confiance.

La sécurité publique

Les sites de consommation supervisée

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Pour continuer, à Toronto, une mère de deux jeunes enfants a été tuée par une balle perdue lors d’une fusillade entre des trafiquants de drogue près d’un centre d’injection supervisée. Une employée du centre a ensuite aidé l’un des suspects à s’échapper en dissimulant des preuves et en facilitant sa fuite. L’employée a plaidé coupable, mais elle ne passera pas un seul jour en prison. Le gouvernement libéral peut-il nous dire si c’est désormais la norme au Canada qu’une personne qui a sciemment aidé le meurtrier d’une mère de deux enfants échappe à la justice et ne passe pas un seul jour en prison?

Le sénateur Housakos : Quelle honte!

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : C’est une histoire tragique que nous avons tous lue avec grand désarroi; il y a des morts tragiques. Madame la sénatrice, je vais m’en tenir à dire, à rappeler et à demander de ne pas instrumentaliser une telle tragédie en faisant abstraction des faits réels et des responsabilités constitutionnelles qui sont partagées, ainsi que des rôles que jouent la police, les procureurs et les tribunaux.

C’est une histoire tragique. Personne ne sait ce qui a poussé la femme dont vous parlez à agir ainsi dans ce moment de crise.

Nous pleurons tous cette tragique perte de vie.

La sénatrice Martin : Il s’agit d’un exemple tragique, monsieur le leader, mais s’il choque autant, c’est parce que cette contrevenante pourra continuer d’aller travailler tous les jours au GoodLife Fitness, tandis que ces deux enfants seront privés de leur mère pour le restant de leur vie.

Le gouvernement libéral va-t-il s’excuser auprès de la famille de la victime pour avoir mis sur pied un système de justice qui semble se soucier davantage du bien-être des criminels que de la mémoire des victimes et de la sécurité publique?

Le sénateur Gold : Sénatrice, le gouvernement n’a pas l’intention de s’excuser pour une tragédie dont il n’est nullement responsable. Cela ne l’empêche toutefois pas, comme nous tous, de pleurer la vie qui a été perdue dans cette tragédie.

Une fois encore, j’implore les honorables sénateurs de se rappeler qu’ils ont la responsabilité de s’en tenir aux faits et qu’ils doivent respecter les règles constitutionnelles quand ils jettent le blâme sur autrui.

La justice

Le nombre disproportionné de femmes autochtones incarcérées

L’honorable Kim Pate : Sénateur Gold, nous célébrons ce week-end la Journée des peuples autochtones, mais seule une petite partie des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation et des appels à la justice découlant de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées ont été menés à bien. Le gouvernement s’est engagé à mettre en œuvre chacun de ces appels à l’action et à la justice.

L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées a établi que les mêmes problèmes qui font qu’un nombre disproportionné de femmes autochtones deviennent des victimes, disparaissent, sont assassinées ou se retrouvent dans la rue, font aussi qu’elles constituent la population carcérale qui augmente le plus rapidement, à tel point que, dans les pénitenciers fédéraux, une détenue sur deux est autochtone.

Comment le gouvernement prévoit-il procéder pour décarcérer les plus de 300 femmes autochtones détenues actuellement dans les pénitenciers fédéraux, afin de respecter l’appel à l’action no 30 de la Commission de vérité et réconciliation et d’éliminer la surreprésentation des personnes autochtones dans les prisons d’ici la fin de l’année?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour votre question et pour vos efforts inlassables dans ce dossier, avant et depuis votre arrivée au Sénat.

La surreprésentation des Autochtones, et en particulier des femmes, dans le système de justice pénale, est une question grave et complexe qui tire son origine du racisme systémique et de notre héritage malheureux. C’est pourquoi le gouvernement a présenté la Stratégie en matière de justice autochtone, qui établit une vision et des domaines prioritaires au Canada afin de travailler avec les peuples autochtones, les provinces et les territoires pour veiller à ce qu’on apporte des changements positifs et durables au système de justice canadien.

Je ne peux pas promettre qu’on respectera un calendrier, mais le gouvernement reste déterminé à poursuivre cet important travail.

La sénatrice Pate : Merci, sénateur Gold. Cependant, aucune mesure n’a été prise depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition en 1992, qui existe depuis plus de 33 ans, et ce, malgré les rapports, les commissions d’enquête, les enquêtes, les comités consultatifs et les rapports des enquêteurs correctionnels qui ont suivi et qui vont dans le même sens — ils ont été mentionnés précédemment.

(1500)

Concrètement, que fait-on, en dehors de cette stratégie, pour que les initiatives communautaires dont les peuples autochtones sont à l’origine soient mises en œuvre d’ici la fin de l’année et qu’elles soient adéquatement financées?

Le sénateur Gold : Le gouvernement continue de s’employer, en collaboration avec les peuples autochtones, les communautés et les autres parties intéressées, à faire progresser ce dossier social aussi important qu’urgent.

La santé

Le permis d’exercice de la médecine

L’honorable Flordeliz (Gigi) Osler : Sénateur Gold, la tendance à l’heure actuelle est de plus en plus à la suppression des obstacles à la mobilité interprovinciale de la main-d’œuvre, notamment grâce au projet de loi sur l’unité de l’économie canadienne, qui propose que les titres de compétences d’une province ou d’un territoire soient reconnus par les autres provinces et territoires afin que les travailleurs puissent se déplacer plus facilement d’un endroit à l’autre.

Pourtant, encore aujourd’hui, les exigences à remplir pour obtenir un permis d’exercice de la médecine varient d’une province et d’un territoire à l’autre, ce qui empêche les médecins de se rendre là où les besoins sont les plus criants, comme dans les régions rurales, éloignées et mal desservies.

Dans la mesure où le gouvernement souhaite favoriser la mobilité de la main-d’œuvre et supprimer les obstacles réglementaires qui s’y rapportent, quand s’engagera-t-il à se doter d’un cadre pancanadien pour l’octroi des permis d’exercice de la médecine?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie. Le réseau de la santé doit évoluer de manière à toujours mieux répondre aux besoins des Canadiens. Pour ce faire, tous les ordres de gouvernement et les partenaires de la santé doivent unir leurs forces et travailler de concert.

Comme vous le savez déjà, puisque vous en avez vous-même fait mention, la délivrance des permis d’exercice de la médecine relève des provinces. Le gouvernement du Canada fera tout, en collaboration avec les provinces et les territoires, pour supprimer le plus grand nombre d’obstacles possible. Certaines provinces ont déjà entamé des démarches en ce sens.

Hier, l’ancienne ministre Lisa Raitt et plusieurs autres personnes, si ma mémoire est bonne, ont affirmé que le gouvernement fédéral s’inspire dans certains cas de ce que font les provinces, et j’applaudis le travail que font ces dernières à l’intérieur de leurs champs de compétence.

La sénatrice Osler : Je vous remercie, sénateur Gold. C’est un sujet dont la sénatrice Seidman a déjà parlé. Il serait extrêmement utile que le fédéral fasse preuve de leadership.

Tout en nous efforçant d’améliorer la mobilité de la main-d’œuvre au Canada, nous devons nous attaquer aux obstacles systémiques auxquels se heurtent les médecins et le personnel infirmier formés à l’étranger qui souhaitent travailler dans notre système de santé. L’amélioration de la mobilité de la main-d’œuvre devrait inclure un accès efficace pour les personnes détenant des titres de compétences internationaux qui se trouvent déjà au Canada.

Quelles mesures concrètes le gouvernement prendra-t-il pour réduire ces obstacles et aider les médecins et le personnel infirmier formés à l’étranger à faire reconnaître leurs titres de compétences?

Le sénateur Gold : Le gouvernement est conscient de cet enjeu, comme nous le sommes tous en tant que citoyens. Je pense que le gouvernement a consacré environ 200 milliards dollars à diverses ententes distinctes et à du financement destiné à aider les provinces à transformer leur système de santé. Chacune des ententes comporte des dispositions particulières adaptées aux besoins des provinces et aux priorités du gouvernement, et nous espérons que les mesures aideront les provinces à accélérer leurs processus.

L’emploi et le développement social

Le taux de chômage

L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, la plus récente Enquête sur la population active au Canada vient de sortir et nous dit que nous traversons une crise de l’emploi. Le taux de chômage national dépasse maintenant 7 %, un sommet depuis 2016, exception faite de la pandémie. Il a augmenté pour un troisième mois d’affilée.

Je trouve particulièrement alarmante la hausse du chômage chez les jeunes. Plus de 1 étudiant sur 5 qui prévoit retourner aux études est sans emploi. Il s’agit du taux le plus élevé depuis 1999, abstraction faite de la pandémie encore une fois.

La crise est réelle, et elle touche les jeunes. Nous ne pouvons pas nous permettre de leur dire que nous y réfléchissons ni la relier à une mesure législative obscure et complètement déconnectée de la réalité. Nous devons prendre conscience que les étudiants et les jeunes travailleurs qui doivent assumer des coûts toujours plus importants et qui voient les portes se fermer devant eux veulent que le gouvernement agisse sans tarder.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le gouvernement est déjà à l’œuvre. Nous l’avons vu pendant le comité plénier. Le gouvernement est tout à fait conscient des répercussions de la situation actuelle sur l’économie. Celle-ci est due en partie — pour le dire crûment, même si nous savons tous que c’est la vérité — aux droits de douane illégaux et injustifiés ainsi qu’à la perturbation de l’économie mondiale causée par le changement de cap de la plus grosse économie et du pays le plus puissant du monde.

Voilà pourquoi le gouvernement a décidé d’en faire une occasion à saisir. Voilà pourquoi nous serons bientôt saisis du projet de loi C-5. Voilà pourquoi l’ancienne ministre Lisa Raitt, l’ancien premier ministre Brian Gallant et d’autres encore nous invitent — et invitent tous les Canadiens — à faire preuve d’audace si vous voulons assurer notre prospérité et acquérir la résilience dont nous aurons besoin, et pas seulement à court terme. Cela dit, il est effectivement essentiel de penser à des solutions immédiates.

Ce qui est aussi, sinon plus important, c’est que nous voyons à l’avenir des jeunes qui doivent traverser cette période difficile.

Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, le prix des aliments a augmenté plus rapidement que l’inflation pour un troisième mois consécutif. Le prix des produits essentiels comme le lait, les œufs et le pain a encore augmenté de près de 4 % par rapport à l’année dernière. Parallèlement, les banques alimentaires battent des records d’affluence, même chez les familles de travailleurs et les étudiants. Plus de 8 millions de Canadiens, dont 2,1 millions d’enfants, vivent de l’insécurité alimentaire.

Sénateur Gold, du jour au lendemain, les projets de loi C-4 et C-5 ainsi que d’autres initiatives que j’ai cherché à faire accepter depuis près de 10 ans ont été adoptés, mais il faudra patienter encore un an pour qu’ils entrent en vigueur.

Le sénateur Gold : Merci pour votre question et pour votre engagement. Je vous remercie aussi d’avoir rappelé à cette assemblée de sénateurs privilégiés que nos concitoyens sont confrontés à des situations difficiles, bien que ce genre de choses ne nous échappe pas.

Le gouvernement agit avec une rapidité sans précédent pour s’attaquer aux problèmes d’accessibilité financière et aux questions économiques qui doivent être réglées pour assurer la prospérité du Canada.

Les services publics et l’approvisionnement

Le processus d’acquisition

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le leader, pour la deuxième année consécutive, la vérificatrice générale du Canada a publié des rapports cinglants qui détaillent le non-respect endémique des règles en matière d’approvisionnement et les échecs répétés à démontrer l’optimisation des ressources. Pourtant, le gouvernement a étonnamment augmenté les dépenses consacrées aux services professionnels de plus de 7 milliards de dollars, soit une hausse de 37 %, selon le budget principal des dépenses de cette année.

Comment le gouvernement justifie-t-il une augmentation aussi spectaculaire des dépenses consacrées aux consultants externes alors que les mécanismes de surveillance de l’approvisionnement sont manifestement défaillants?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le gouvernement prend bonne note des recommandations formulées par la vérificatrice générale dans ses critiques à l’égard des politiques en matière d’approvisionnement, et il les accepte. Le premier ministre a demandé à chaque ministre, comme en fait foi la lettre de mandat qui leur a été remise, d’informer le gouvernement des moyens pris par son ministère pour respecter ses promesses, y compris en matière d’approvisionnement.

Le ministre Solomon et tous les autres ministres vont s’attacher à utiliser les outils dont nous disposons — qu’ils soient liés aux technologies ou aux ressources humaines et j’en passe — pour apporter les améliorations indispensables à notre processus d’approvisionnement.

Autrement, nos investissements, dans la défense ou dans l’économie, ne serviront à rien. Le gouvernement concentre tous ses efforts sur les résultats qu’il doit obtenir, et il est déterminé à bien faire les choses.

La sénatrice Martin : Monsieur le leader, l’augmentation se chiffre à 7 milliards de dollars. C’est beaucoup d’argent et il s’agit de l’argent des contribuables.

Quelles mesures précises le gouvernement prend-il pour réduire sa dépendance à l’égard des consultants, et quand les Canadiens verront-ils ces mesures se refléter dans des réductions réelles des dépenses?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Je n’ai pas la réponse précise, mais je rappelle qu’il y a une relation mathématique presque évidente entre le nombre d’employés dans la fonction publique et les ressources externes qui peuvent être nécessaires pour répondre à des besoins précis.

Le gouvernement et le premier ministre se concentrent sur la croissance économique et l’efficacité du gouvernement, et ils sont déterminés à tenir leurs promesses.


ORDRE DU JOUR

La Loi sur les Indiens

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Audette, appuyée par l’honorable sénateur Francis, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (nouveaux droits à l’inscription).

L’honorable Paul (PJ) Prosper : Honorables sénateurs, la Loi sur les Indiens est la mesure législative du Parlement la plus ouvertement raciste et coloniale à laquelle on a encore recours et on se réfère toujours aujourd’hui. Cette loi régit où nous pouvons vivre, le type de soins de santé auxquels nous avons droit, ce que nous pouvons faire de nos propres terres et comment nous pouvons gagner notre vie. Elle dicte même qui, parmi les membres de notre famille, peut être légalement considéré comme un « Indien ».

(1510)

Je trouve ahurissant qu’en 2025, on vienne à peine de présenter un projet de loi visant à éliminer des termes comme « Indiens mentalement incapables », qui est le titre de l’article 51, et que l’on continue à modifier les critères qui définissent qui a droit à la citoyenneté au sein de nos communautés et de nos nations.

Je comprends que, parfois, compte tenu de la myriade de projets de loi dont nous sommes saisis, nous pouvons perdre de vue l’aspect humain derrière les mots, mais je vous exhorte à ne pas faire une telle chose avec le présent projet de loi. En effet, ce dernier ne vise pas seulement à établir qui peut être inscrit au titre des paragraphes 6(1) ou du paragraphe 6(2). Il ne s’agit pas de permettre à plus de gens d’obtenir une aide financière et des exemptions d’impôt. Le projet de loi concerne les membres d’une famille qui sont nés dans une communauté, qui en font partie et qui sont reconnus par celle-ci, mais qui n’ont pas accès aux mêmes possibilités que leurs frères, leurs sœurs, leurs cousins, leurs tantes et leurs oncles.

En raison des particularités de la loi, il est possible qu’un membre d’une fratrie bénéficie du statut prévu au paragraphe 6(1). Dans un tel cas, tous les enfants de cette personne auraient accès aux programmes et aux Services de santé non assurés. Cependant, un autre membre de cette fratrie né après 1986 des mêmes parents et dans les mêmes circonstances serait relégué à la catégorie prévue au paragraphe 6(2), uniquement en raison de son année de naissance. Les enfants de cet autre membre de la fratrie ne seraient donc pas inscrits et ils n’auraient pas non plus droit aux mesures dont bénéficient leurs cousins, simplement parce que le gouvernement en a décidé ainsi.

Comment en sommes-nous arrivés là?

C’est une histoire longue et compliquée que je vais tenter de résumer pour vous, chers collègues, ainsi que pour tous les Canadiens qui pourraient nous écouter ou lire la transcription de cette séance à une date ultérieure.

Par le biais d’un ensemble de politiques et de lois discriminatoires, de nombreuses façons de retirer le statut ont été créées de toutes pièces. L’objectif était de résoudre le « problème des Indiens » — pour reprendre l’expression si souvent utilisée — en réduisant leur population.

Par exemple, si un père choisissait de devenir propriétaire ou de partir à la guerre, c’est toute la famille qui perdait son statut. Les femmes autochtones perdaient aussi leur statut en épousant un homme non autochtone. Hélas, nous avons bel et bien puni l’amour dans ce pays et nous le faisons encore aujourd’hui.

L’ancienne sénatrice Sandra Lovelace Nicholas, que j’ai déjà eu le plaisir et le privilège de côtoyer, a d’ailleurs perdu son statut de cette façon. L’affaire Lovelace a été plaidée devant la Commission des droits de l’homme des Nations unies. La requête a été déposée le 29 décembre 1977 et la décision a été rendue le 30 juillet 1981. La Commission a conclu que certaines parties de la Loi sur les Indiens étaient effectivement discriminatoires. Quatre ans plus tard, et après l’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés, le Canada a présenté le projet de loi C-31.

Ce projet de loi, qui prévoyait plusieurs choses, a notamment créé la possibilité, pour les personnes ayant perdu leur statut en raison de l’émancipation, de demander le rétablissement de leur statut. L’article 10 a aussi permis à certaines bandes de contrôler la liste de leurs membres, même si je dois rappeler que ces codes d’appartenance devaient d’abord être approuvés par le ministre fédéral.

Toutefois, cette mesure législative est surtout à l’origine d’un problème encore plus grave. On peut lire ceci sur le site Web du ministère des Relations Couronne-Autochtones :

Le gouvernement fédéral a maintenu son pouvoir sur l’inscription des Indiens et les catégories d’Indiens inscrits ont été établies dans les paragraphes 6(1) et 6(2) de la Loi sur les Indiens (projet de loi C- 31) afin de répondre aux préoccupations soulevées par les Premières Nations lors des débats parlementaires sur le projet de loi C- 31. Les préoccupations des dirigeants des Premières Nations portaient sur les problèmes de ressources découlant de l’augmentation prévue de la population dans les communautés des Premières Nations et sur la crainte d’une érosion ethnoculturelle au sein des Premières Nations en raison du grand nombre de personnes n’ayant vraisemblablement aucun lien communautaire ou culturel qui deviendraient admissibles à l’inscription. L’introduction de ces catégories d’inscription a entraîné l’adoption de la règle de l’exclusion après la seconde génération : dans les cas où deux générations successives où une personne admissible à l’inscription et une personne inadmissible ont des enfants, la troisième génération d’enfants est inadmissible.

Maintenant, honorables sénateurs, l’expression « règle d’exclusion après la seconde génération » vous est-elle familière? Ce n’est pas impossible, puisque le Parlement a été saisi d’une mesure législative à la dernière législature — le projet de loi C- 71, qui porte aujourd’hui le numéro C-3 — visant à redonner leur citoyenneté aux Canadiens qui l’avaient perdue ou qui ne l’avaient jamais obtenue en raison de certaines dispositions désuètes des anciennes lois sur la citoyenneté. Pour se soustraire à la règle de l’exclusion après la seconde génération, il faut qu’un parent né à l’étranger ait « un lien substantiel avec le Canada » ou, comme le propose le projet de loi, qu’il ait été effectivement présent au Canada pendant 1 095 jours — c’est-à-dire trois ans — avant la naissance ou l’adoption de son enfant.

Pourtant, pour un enfant mi’kmaw qui peut passer toute sa vie dans sa communauté, cette même capacité de demander la citoyenneté au sein de la nation mi’kmaw n’est pas reconnue parce que, pour le gouvernement, nous sommes des pupilles de l’État que l’on peut régenter, et non des nations fortes et indépendantes.

Des experts comme Stewart Clatworthy, un démographe qui a étudié les effets démographiques des changements apportés à l’enregistrement des Indiens depuis les modifications de 1985, ont évoqué la question de la règle de l’exclusion après la deuxième génération. M. Clatworthy a estimé que, en application de la législation actuelle, dans une centaine d’années, aucun enfant n’aura encore le droit à l’inscription au registre des Indiens.

Au fil des ans, d’autres appels ont été interjetés devant les tribunaux, ce qui a entraîné des modifications progressives de la Loi sur les Indiens. L’affaire McIvor c. Canada a été portée devant les tribunaux en 1987 au motif que les dispositions relatives à l’inscription étaient contraires à la Charte. En 2010, la Loi sur les Indiens a de nouveau été modifiée, cette fois au moyen du projet de loi C-3. Cette modification visait à garantir le statut des petits-enfants des femmes ayant perdu leur statut en raison de la disposition « mère grand-mère », un texte législatif adopté en 1951 selon lequel les petits-enfants perdaient leur statut à l’âge de 21 ans lorsque leur mère et leur grand-mère paternelle avaient toutes les deux acquis leur statut à la suite d’un mariage avec un Autochtone.

(1520)

Le 3 août 2015, l’honorable Chantal Masse, juge à la Cour supérieure du Québec, a été saisie de l’affaire Descheneaux et a conclu que, malgré les efforts déployés en 1985 et en 2010 pour l’éliminer, « La discrimination fondée sur le sexe, bien que plus subtile qu’autrefois, a la vie dure ». Dans sa décision, la juge Masse a indiqué que :

S’il y a davantage de personnes inscrites sous 6(1), cela retarde quelque peu l’évolution mais, éventuellement, à cause de la nature du mécanisme prévu à l’article 6, il ne naîtra plus d’enfants ayant droit d’être inscrits au Registre.

Dans son jugement, la cour a conclu que les alinéas 6(1)a), c) et f) ainsi que le paragraphe 6(2) de la Loi sur les Indiens contrevenaient à l’article de la Charte canadienne des droits et libertés qui porte sur l’égalité, la protection et le bénéfice de la loi. Elle a suspendu l’entrée en vigueur de sa décision jusqu’au 3 février 2017 afin de donner au Parlement le temps d’éliminer les iniquités relatives aux petits-enfants et aux cousins qui figuraient dans la Loi.

La juge a transmis un message clair aux parlementaires alors qu’ils s’apprêtaient à présenter des modifications législatives à la Loi sur les Indiens afin de la rendre conforme à sa décision. Elle a déclaré sans ambages :

Une lecture aussi stricte du présent jugement que celle qui a été faite de la décision de la CACB [...]

 — c’est-à-dire la Cour d’appel de la Colombie-Britannique —

[...] dans McIvor, n’est pas la voie que devrait emprunter le législateur. S’il souhaite jouer pleinement son rôle, plutôt que de laisser le champ libre aux litiges, il fera autrement cette fois-ci, tout en apportant rapidement des correctifs suffisamment larges pour remédier à la discrimination constatée en l’espèce. L’un n’exclut pas l’autre.

Cet argument supplémentaire a été pris en compte par les sénateurs lorsqu’ils ont étudié le tristement célèbre projet de loi S-3 à la 42e législature.

Je tiens à saluer la sénatrice Marilou McPhedran, qui a proposé l’amendement sur l’application universelle de l’alinéa 6(1)a), avec l’appui notamment de la sénatrice Pate et de l’ancien sénateur Dan Christmas. Je salue également les anciennes sénatrices Lillian Dyck et Sandra Lovelace Nicholas, qui ont défendu ardemment les droits des femmes autochtones, ainsi que le porte-parole de l’opposition pour ce projet de loi, l’ancien sénateur Dennis Patterson, car ils ont eux aussi défendu cet amendement.

Enfin, je tiens à rappeler que la version amendée du projet de loi a été adoptée par le Sénat à une époque où ce dernier et le comité sénatorial qui l’a étudié étaient dominés par les conservateurs. J’estime qu’en réussissant à rallier suffisamment de voix pour que cet amendement soit adopté, ceux-ci ont été de véritables alliés.

La population autochtone s’y est montrée nettement favorable. Dans une lettre ouverte adressée au premier ministre Trudeau, un regroupement d’organismes composé de l’Association des femmes autochtones de la Nouvelle-Écosse, de l’Association des femmes autochtones de Terre-Neuve, de l’Association des femmes autochtones des territoires malécites et micmacs, de l’Association des femmes autochtones Eastern Door et de l’Association des femmes autochtones de l’Île-du-Prince-Édouard a écrit ce qui suit en 2017 :

Nous savons que la Loi sur les Indiens est un vestige paternaliste de la colonisation et qu’elle a pour but d’assimiler les Indiens […] Cependant, nous savons aussi que, tant que cette loi restera en vigueur, il sera essentiel qu’on éradique la discrimination fondée sur le sexe qui subsiste.

Monsieur le premier ministre, si vous êtes vraiment un féministe qui croit sincèrement que la relation avec les peuples autochtones importe davantage que toutes les autres relations et si vous voulez qu’à l’avenir, cette relation repose sur le principe des relations de nation à nation, vous devez vous assurer que les femmes autochtones et leurs descendants soient inclus dans les nations autochtones.

Nous vous exhortons à rappeler aux membres du Cabinet fédéral que l’ère des consultations sur l’égalité des sexes est révolue. Les lois fédérales doivent toutes être conformes à la Charte, y compris le projet de loi S-3. Nous vous exhortons à appuyer l’amendement de ce projet de loi qui prévoit l’application universelle de l’alinéa 6(1)a).

Malgré cet appel et l’excellent travail du Sénat, l’autre endroit a jugé bon de supprimer les amendements du Sénat et d’éliminer l’application universelle de l’alinéa 6(1)a). Les députés ont plutôt proposé des amendements non controversés afin d’éviter un débat houleux au Sénat, qui les aurait obligés à examiner les autres cas de discrimination fondée sur le sexe qui subsistent dans le processus d’inscription au registre des Indiens et à déposer un rapport dans les trois ans suivant la sanction royale.

L’offre a été acceptée et, selon le site Web de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada :

La liste des enjeux à aborder a été revue à l’occasion de conception conjointe du processus de collaboration selon les commentaires des Premières Nations et des organisations autochtones.

Le paragraphe se poursuit ainsi : « Les consultations exhaustives dans le cadre du processus de collaboration ont débuté le 12 juin 2018. »

Les inégalités non fondées sur le sexe concernant le processus d’inscription, comme l’émancipation — un sujet abordé dans le projet de loi S-2 —, les certificats et la limite à la deuxième génération figuraient sur cette liste élargie.

Le rapport de 2019 sur le projet de loi S-3 met de l’avant la mobilisation de représentants de 395 communautés et organisations des Premières Nations et le fait que 10 403 personnes ont participé aux 419 séances financées par le Ministère. Par ailleurs, le rapport souligne qu’une aide financière de 2,2 millions de dollars a été accordée aux organisations autochtones en vue de leur participation au processus de collaboration.

Même si le processus que je viens de décrire a effectivement conduit à la suppression de la fameuse date limite de 1951 — il a permis la réintégration des petits-enfants nés avant le 4 septembre 1951 de femmes qui avaient été rayées de la liste de leur Première Nation ou qui avaient perdu leur statut parce qu’elles avaient épousé un non-Indien —, il n’a toutefois pas réglé des questions plus larges, telles que l’exclusion après la deuxième génération.

Le document d’information que nous avons reçu sur le projet de loi S-2 indique ce qui suit à la page 7 :

Le processus de collaboration sur l’exclusion après la deuxième génération et les seuils de vote en vertu de l’article 10 a été lancé en novembre 2023, et l’étape des consultations et l’appel de propositions de solutions ont été lancés en décembre 2024.

(1530)

Nous continuons à retenir notre souffle pendant que nos enfants sont ostracisés parce qu’ils sont des Indiens de second ordre. L’attente se poursuit pendant que nos communautés tentent d’étirer leurs maigres ressources autonomes pour fournir à nos enfants des soins de santé, une éducation et des programmes auxquels ils n’ont pas accès en raison du concept de statut simplement parce que nous croyons qu’aucun enfant ne devrait être laissé pour compte.

En principe, sénateurs, je crois en tout ce qui rétablit l’identité et la dignité de notre peuple. Cependant, je ne peux pas appuyer cette approche fragmentaire persistante concernant l’inscription au registre des Indiens. J’appuie le renvoi du projet de loi au comité ne serait-ce que pour entendre les femmes nous dire directement comment elles veulent aller de l’avant. J’espère que, le moment venu, le Sénat trouvera encore une fois le courage de les appuyer.

Wela’lioq.

[Français]

L’honorable Michèle Audette : Est-ce que le sénateur Prosper accepterait de répondre à une question?

Le sénateur Prosper : Oui.

La sénatrice Audette : Merci infiniment de vos paroles. Nous savons que vous êtes aussi un ancien Chef régional pour les Premières Nations de votre territoire.

D’abord, je me demande ce que nous allons dire au gouvernement fédéral si sa réponse est qu’il doit consulter les Chefs avant de remédier à la question en lien avec l’alinéa 6(1)a)?

Ensuite, je me demande pourquoi on tourne les coins ronds en ce qui a trait aux consultations sur certains projets de loi nationaux, mais lorsque ces projets de loi portent sur les femmes, on retarde le processus et on se cache derrière les Chefs pour régler la question?

Pourriez-vous me répondre, s’il vous plaît?

[Traduction]

Le sénateur Prosper : Je vous remercie beaucoup de cette excellente question, sénatrice Audette.

En ce qui concerne la première partie de la question, il y a eu de vastes consultations. Cette question a été étudiée en profondeur, et la motion présentée par la sénatrice McPhedran, qui proposait l’application universelle de l’alinéa 6(1)a), a donné lieu à une étude dans cette enceinte jusqu’à ce qu’elle soit renvoyée à l’autre endroit. Nous n’avons pas besoin d’autres recherches.

Nous pouvons certainement renvoyer ce projet de loi au comité et entendre de nouveau des témoins. Cependant, cette option est liée à votre deuxième question, à savoir pourquoi certains projets de loi sont adoptés à la vitesse de la lumière dans le processus parlementaire alors qu’il y a des inégalités au sein de nos collectivités que l’on doit traiter depuis longtemps en raison de leur importance. Je vous remercie.

L’honorable Marilou McPhedran : Acceptez-vous de répondre à une question, sénateur Prosper?

Le sénateur Prosper : Oui.

La sénatrice McPhedran : Merci. Bon nombre d’entre nous ont assisté récemment à la réunion d’information organisée par le gouvernement. Il y a été question d’un processus de consultation avec les Chefs qui allait commencer ou était déjà en cours — ce n’est pas très clair — dans tout le pays. Nous y avons appris que le gouvernement avait décidé de ne pas entreprendre de nettoyer ce projet de loi tant que cette consultation n’aurait pas abouti à un consensus entre les Chefs.

Sénateur Prosper, vous avez vous-même été Chef. Pourriez-vous nous donner une idée de la probabilité qu’une telle unanimité se dégage à l’issue de la consultation?

Le sénateur Prosper : Merci de votre question, madame la sénatrice. Vous avez raison; j’ai déjà été Chef de ma communauté, la nation mi’kmaq Paqtnkek, et Chef régional. Il existe des situations très inéquitables pour nos membres, car les dirigeants ne considèrent pas les membres de la communauté en fonction de leur statut ou de leur absence de statut, puisqu’ils sont tous membres de la communauté. Nous sommes tous liés.

Ils font de leur mieux pour utiliser leurs propres ressources et revenus afin d’offrir des programmes et des avantages comparables au sein de leurs communautés respectives. Nous ne connaissons que trop bien les tendances démographiques mentionnées par des gens comme Stewart Clatworthy, selon lesquelles, à partir d’une certaine date, aucun des enfants qui naîtront dans certaines communautés n’aura le statut. Il faut dénoncer l’idée d’une consultation continue à propos d’un problème qui dure depuis longtemps. Nous devons obliger le gouvernement à traiter cette question en fonction de son bien-fondé, comme il se doit.

La sénatrice McPhedran : Ce fut l’une des journées les plus difficiles de ma vie en tant que sénatrice lorsque mon amie depuis plus de 30 ans, qui était alors ministre, a déclaré, en s’adressant au comité de la Chambre des communes, que le gouvernement n’allait pas appuyer mon amendement. Ma réflexion sur ce qui a mené à cette décision m’amène à poser la question suivante.

Croyez-vous que si nous nous empressions de renvoyer le projet de loi au comité et que nous faisions venir des experts qui ont étudié la question et qui font valoir cette cause depuis des années, nous pourrions le rectifier à l’étape de l’étude en comité?

Le sénateur Prosper : Je vous remercie pour la question. Je crois que c’est possible. J’allais dire « Je l’espère », mais, honorables sénateurs, nous connaissons plutôt bien le problème. Nous sommes bien conscients des inégalités flagrantes qui existent depuis longtemps au sein de notre communauté.

Il sera plutôt saisissant d’entendre les témoignages et de comprendre la réalité qui existe dans les communautés ainsi que les difficultés auxquelles se butent les dirigeants. Je crois que le Sénat fera ce qui s’impose non seulement pour les femmes autochtones, mais également pour l’ensemble de nos communautés et les générations à venir. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Français]

Le discours du Trône

Motion d’adoption de l’Adresse en réponse—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que l’Adresse, dont le texte suit, soit présentée à Sa Majesté le roi :

À Sa Très Excellente Majesté Charles Trois, par la grâce de Dieu, Roi du Canada et de ses autres royaumes et territoires, Chef du Commonwealth.

QU’IL PLAISE À VOTRE MAJESTÉ :

Nous, sujets très dévoués et fidèles de Votre Majesté, le Sénat du Canada, assemblé en Parlement, prions respectueusement Votre Majesté d’agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours que Votre Majesté a adressé aux deux Chambres du Parlement.

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, je m’adresse à vous avec la même motivation qui m’a amenée dans cette Chambre il y a neuf ans. J’ai prononcé mon premier discours à l’occasion de la Journée de la Terre et j’ai exprimé ma conviction que sans la nature, il n’y a pas de ville, pas de société, pas de nation. Lorsque Sa Majesté le roi Charles III a ouvert cette 45e législature, il nous a rappelé une fois de plus que nous sommes responsables de bien gérer la terre, de protéger ses habitants et de guider notre pays dans l’incertitude, mais aussi lorsque des occasions se présentent, comme en ce moment historique.

En 2017, je disais que notre pays était à l’aube d’une renaissance qui lui permettrait d’être un leader, non pas par la conquête ni par la domination, mais par la sagesse, l’équité et l’harmonie avec la nature. Cette renaissance n’est plus une vision lointaine; c’est désormais une nécessité urgente.

(1540)

Les paroles du roi ont souligné la force de notre diversité et de nos institutions et les grands défis qui nous attendent. Pourtant, je vous pose la question suivante : notre ambition est-elle à la hauteur des crises planétaires auxquelles nous sommes confrontés, comme le réchauffement planétaire, l’acidification des océans, la dégradation de l’environnement et l’effondrement de la biodiversité, et ce, alors que les citoyens perdent confiance en la démocratie? Profitons du discours du roi pour réfléchir honnêtement à la situation.

[Traduction]

Malgré des décennies de mises en garde des scientifiques, l’urgence écologique n’a fait que s’intensifier. Des feux de forêt sans précédent font désormais rage, décimant nos forêts. Les villes ont suffoqué sous la fumée et les dômes de chaleur. En 2021, 619 personnes sont décédées lors du dôme de chaleur extrême qui a frappé la Colombie-Britannique.

Le phénomène des feux hibernants est de plus en plus fréquent. Il s’agit de feux de forêt actifs qui « se propagent sous terre et couvent pendant les mois d’hiver » avant de réapparaître au printemps suivant. Le feu de forêt de Fort McMurray a causé plus de 6 milliards de dollars de pertes assurées en 2016 et celui de Jasper en a causé pour plus de 1 milliard de dollars en 2024. L’an dernier, les pertes assurées causées par des phénomènes météorologiques extrêmes ont été estimées à plus de 9 milliards de dollars. Cette année, nous avons déjà dépassé la barre des 5 milliards de dollars.

Dans les provinces des Prairies et les territoires, les rivières s’assèchent et on peut utiliser les routes de glace moins longtemps. Les océans, qui étaient autrefois des berceaux de la vie, se transforment en réservoirs de carbone qui s’acidifient. Chacun de ces changements est mesurable, prévisible, évitable et profondément injuste. Ils résultent d’un système défaillant fondé sur l’exploitation non durable des ressources naturelles, la pollution industrielle et une économie linéaire désuète qui traite la nature comme un entrepôt et une décharge sans limites plutôt que comme un espace sacré où l’ont vit.

Je prends la parole pour vous dire qu’il existe une autre voie. C’est une voie qui ne sacrifie pas l’avenir de nos enfants pour garantir les profits des sociétés. C’est une voie qui reconnaît que notre plus grande source de richesse ne réside pas dans la vente de nos ressources naturelles, mais plutôt dans les différents types de connaissances que possède notre société, dans l’attention que nous portons à nos concitoyens et dans l’amour et l’admiration que nous portons à la terre elle-même.

Le discours du Trône faisait allusion à la transformation économique, réclamant le plus grand virage économique depuis la Deuxième Guerre mondiale. Je me réjouis vivement de cette formulation. Cette ambition doit s’accompagner d’une vision claire. La transformation doit aller au-delà de la croissance du PIB ou de la concurrence sur le plan mondial. Il nous faut une nouvelle économie, fondée sur les cinq piliers suivants, qui s’imbriquent les uns dans les autres :

l’économie axée sur les soins, où les soins et la santé ne sont pas considérés comme des dépenses, mais comme des investissements fondamentaux dans la résilience humaine et sociale;

l’économie circulaire, où les déchets deviennent des ressources et où les matériaux sont réutilisés, remanufacturés et reconvertis;

l’économie de la connaissance, où l’éducation, la recherche, les sciences et les arts sont au cœur de l’innovation et du progrès social, et où l’intelligence artificielle sert à améliorer la qualité de vie de tous, et non à manipuler la société;

l’économie de restauration, où les dommages du passé et la dette écologique sont réparés activement, ce qui permet de créer des emplois et de restaurer les collectivités;

l’économie régénératrice, où on ne se contente pas de maintenir les écosystèmes, mais où on les améliore, en restaurant les sols, en remettant les terres à l’état sauvage et en redonnant vie aux océans.

Ces nouveaux modèles économiques permettent de rompre avec l’économie extractive coloniale et ouvrent la voie à de véritables partenariats qui profitent à l’ensemble de la société en valorisant le savoir, les sciences et les expériences vécues des peuples autochtones, en restaurant les écosystèmes et en guérissant les communautés, ce qui favorise la réconciliation et la viabilité mondiale.

Une véritable transformation nécessite non seulement une décarbonation en profondeur, mais aussi le démantèlement des injustices environnementales systémiques. Nous devons rejeter les modèles économiques qui arrachent la richesse aux populations et à la nature pour la concentrer entre les mains d’une poignée de privilégiés. Comme on l’a vu par le passé, les inégalités s’accentuent à mesure que la richesse et le pouvoir se concentrent entre les mains d’une élite, ce qui laisse de nombreux citoyens pour compte. Cette situation alimente la frustration, érode la confiance dans les institutions et aggrave les divisions sociales. De telles conditions favorisent l’agitation civile et affaiblissent la démocratie en sapant la participation, la légitimité et la cohésion sociale.

Le discours du Trône a réaffirmé l’engagement du gouvernement envers la réconciliation. Rappelons-nous néanmoins que la réconciliation n’est pas un projet à administrer, c’est une relation à rétablir.

Je salue la bonification du Programme de garantie de prêts pour les Autochtones et je demande instamment qu’elle s’accompagne d’investissements à long terme dans les capacités de gouvernance, la revitalisation des langues, la restitution des terres et la guérison culturelle.

Écoutons les peuples autochtones qui ont pris soin de ces terres pendant des millénaires. Leurs systèmes de connaissances offrent non seulement des renseignements, mais aussi une sagesse en matière d’incendies de forêt, de gestion de l’eau, de biodiversité et d’équilibre. Nous ne pouvons pas espérer résoudre la crise écologique sans placer les peuples autochtones au cœur du processus. Le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause ne doit pas être réduit à une simple case à cocher. Il doit guider toutes les décisions importantes en matière d’infrastructures et être inscrit dans la loi, les politiques et la planification économique.

[Français]

Chers collègues, l’heure n’est pas à la timidité. Alors que les régimes autoritaires se réaffirment et que l’instabilité politique se répand, y compris la menace très réelle posée par les États-Unis de Donald Trump, nous devons défendre les principes démocratiques. Le totalitarisme prospère dans la peur, la désinformation et l’influence des secteurs inflationnistes des ressources finies. Il nie la science du climat, sape la coopération internationale et divise les sociétés par la haine et la méfiance. C’est une menace non seulement pour la protection de l’environnement, mais aussi pour la paix elle-même.

Le Canada ne doit pas suivre; il doit montrer l’exemple. Nous devons être le phare d’une démocratie inclusive et pluraliste, gouvernée par des politiques basées sur des données probantes et guidée par l’équité.

Le discours du Trône promet d’accélérer l’approbation des grands projets, de réduire les obstacles et de créer des stratégies nationales en matière de logement. Si ces objectifs sont louables et nécessaires, nous devons veiller à ne pas sacrifier les écosystèmes ou le consentement préalable, libre et éclairé des populations autochtones au nom de la rapidité. Un projet, une évaluation, c’est très bien, évidemment. Cette évaluation doit toutefois être exhaustive, publique, scientifique et véritablement participative.

N’oublions pas les douloureuses leçons de Lac-Mégantic et de Grassy Narrows et les fuites des bassins de résidus des sables bitumineux, où la rapidité ainsi que le manque de préparation et de transparence ont conduit à des dommages dévastateurs irréparables.

Si nous voulons construire des milliers de logements et devenir une superpuissance énergétique, faisons en sorte que ces logements soient construits pour durer et qu’ils soient résilients aux changements climatiques, abordables, économes en énergie et, surtout, intégrés à la nature.

Quand le Sénat a adopté la Loi sur l’évaluation d’impact modifiée et la Loi sur la stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale, nous avons reconnu l’importance des études d’impact, la nécessité de réaliser des évaluations régionales reliant les causes aux effets, ainsi que l’obligation d’entreprendre des consultations significatives avec les populations autochtones.

(1550)

[Traduction]

Lorsque je suis arrivée au Canada il y a plus de 40 ans — voilà qui ne me rajeunit pas —, un espoir tenace envers la science, l’équité et le progrès m’habitait. Cet espoir est toujours très vivant. Toutefois, à l’ère de la désinformation et de la pensée à court terme, nous devons renouveler notre engagement envers l’éducation, non seulement technique, mais aussi civique, environnementale et surtout éthique.

La méthode scientifique est notre boussole devant l’incertitude. Elle nous apprend à poser des questions difficiles, à tester nos hypothèses, à revoir notre façon de penser et à changer de cap à la lumière de nouvelles données probantes. Nous avons plus que jamais besoin de cet état d’esprit. Nous devons donner aux jeunes les moyens d’agir grâce aux connaissances. Nous devons soutenir les chercheurs et la science d’intérêt public. Nous devons élaborer des politiques avisées qui ne sont pas réactives, mais plutôt proactives, et qui sont fondées sur la prévoyance et non seulement sur la sagesse rétrospective.

À cette fin, le Canada serait bien avisé d’adopter des recommandations fondées sur des données scientifiques comme prochaines étapes de son plan national en matière de lutte contre les changements climatiques : renforcer la réglementation canadienne sur les émissions de méthane; accorder des droits à la nature afin que nos écosystèmes et nos cours d’eau bénéficient des mêmes protections juridiques que les entreprises; augmenter le financement des sciences et de la recherche afin de promouvoir l’innovation au Canada et de favoriser la résilience; favoriser la finance durable, car faute d’aligner les flux de capitaux sur les solutions aux crises, nous continuerons à régresser au lieu de progresser. Le Canada n’est pas en phase avec ses pairs. Si nous voulons renforcer nos liens avec l’Europe, le Commonwealth et même l’Asie, la finance durable est une nécessité absolue.

Chers collègues, je suis ingénieure, je travaille avec des contraintes. Je sais ce que c’est de construire sous pression, mais je sais aussi ceci : avec des conceptions judicieuses, nous pouvons construire des structures à l’épreuve du temps. Ensemble, concevons et bâtissons un Canada innovant et régénérateur, et pas seulement extractif, un Canada qui ne redoute pas la fin des énergies polluantes, mais qui embrasse l’essor d’une économie de la biosphère; un Canada qui ne considère pas la nature comme un décor, mais comme une partenaire; un Canada qui se réconcilie avec son passé en assurant un avenir juste et viable pour tous.

Ne nous laissons pas guider par des platitudes, mais par notre résolution. Montrons au monde que la démocratie, la droiture et la détermination peuvent venir à bout de la crise et de la crainte. Passons de la résilience à la régénération et de la rhétorique à des résultats concrets, par égard pour tout ce qui vit et respire sous ce ciel boréal, agissons maintenant avec courage, clarté et sérieux. Merci. Meegwetch.

(Sur la motion de la sénatrice LaBoucane-Benson, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Sénat

Adoption de la motion concernant les séances du 25 au 27 juin 2025 et tendant à autoriser les comités à siéger en même temps que le Sénat pour tenir leur séance d’organisation

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 18 juin 2025, propose :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement ou tout ordre antérieur :

1.si le Sénat siège le mercredi 25 juin 2025, la séance continue au-delà de 16 heures jusqu’à l’heure fixée pour la clôture de la séance prévue dans le Règlement ou à la fin des affaires du gouvernement, selon la première éventualité, mais sans avoir une incidence sur toute prolongation de la séance qui pourrait être permise en vertu de toute disposition de l’ordre du 12 juin 2025 concernant les délibérations sur le projet de loi C-5;

2.si le Sénat siège le jeudi 26 juin 2025 :

a)la séance commence à 9 heures;

b)elle soit levée à l’heure fixée pour la clôture de la séance prévue dans le Règlement ou à la fin des affaires du gouvernement, selon la première éventualité;

3.si le Sénat siège le vendredi 27 juin 2025, il n’examine que les affaires du gouvernement une fois l’ordre du jour appelé;

4.nonobstant les dispositions des points 1 à 3, si l’ordre portant étude d’un rapport du Comité de sélection est inscrit à l’ordre du jour en tant qu’article des autres affaires pour l’une de ces séances, cet ordre soit traité comme s’il était une affaire du gouvernement, mais seulement aux fins de déterminer l’heure de clôture de la séance ou des travaux à aborder ce jour-là conformément au présent ordre, selon le cas;

5.le mercredi 25 juin, le jeudi 26 juin et le vendredi 27 juin 2025, les comités soient autorisés à se réunir pour tenir leur séance d’organisation, sous réserve des procédures normales d’approbation et de la disponibilité des ressources nécessaires, même si le Sénat siège à ce moment-là, sans, il soit entendu, avoir une incidence sur toute autorité séparément accordée à un comité de se réunir pendant que le Sénat siège;

6.si, le jeudi 26 juin ou le vendredi 27 juin 2025, le représentant du gouvernement ou la coordonnatrice législative du représentant du gouvernement informe le Sénat que la sanction royale, que ce soit par cérémonie traditionnelle ou par déclaration écrite, est attendue, les dispositions de l’article 16-1(8) du Règlement s’appliquent alors, la séance étant suspendue si la fin des travaux du gouvernement est atteinte, plutôt qu’à la fin des affaires pour la journée, avant la sanction royale.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

L’ajournement

Adoption de la motion

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 18 juin 2025, propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mercredi 25 juin 2025, à 14 heures.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Projet de loi sur l’oiseau national du Canada

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Ataullahjan, appuyée par l’honorable sénatrice Batters, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-221, Loi portant reconnaissance du mésangeai du Canada comme oiseau national du Canada.

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, je n’ai pas préparé de discours, mais j’aimerais partager avec vous quelques notes sur ce projet de loi. Le projet de loi S-221 propose de reconnaître le mésangeai du Canada comme oiseau national du Canada, et je pense qu’il est tout à fait approprié que je prenne la parole aujourd’hui, puisque j’arbore moi-même mon plumage d’été.

Des voix : Bravo!

Une voix : Cela explique beaucoup de choses.

Le sénateur MacDonald : En 2017, la Société géographique royale du Canada, ou SGRC, a demandé aux Canadiens de voter pour l’oiseau national du Canada de leur choix. Eh bien, je suis membre de cette société, et j’ai voté. Il y avait cinq choix : la bernache du Canada, le huard, le mésangeai du Canada, la mésange à tête noire et le harfang des neiges.

Toutes ces options sont bonnes, et je vais en parler dans quelques instants, mais je suis heureux que le mésangeai du Canada ait été choisi parce que c’est pour cet oiseau que j’ai voté.

Tous les choix proposés étaient excellents, mais nombre d’autres oiseaux n’ont pas été pris en considération pour diverses raisons, et j’aimerais prendre quelques secondes pour en parler. Par exemple, le gerfaut, un oiseau de proie que je trouve magnifique, se trouve pratiquement partout au Canada. On le trouve rarement au sud de la frontière canado-américaine. Le gerfaut est le plus grand faucon du monde. Ce redoutable chasseur a été associé à la royauté pendant des siècles. C’est un animal très intelligent et facile à entraîner.

Je me rappelle qu’en 2018, j’ai emmené mon fils à Carnoustie, en Écosse, pour le tournoi de l’Open britannique. Le site était au bord de l’eau. Environ 150 000 personnes se sont rendues sur les lieux pendant les cinq jours du tournoi. Il y avait des goélands partout, mais aucun ne venait se poser à proximité. Il y avait beaucoup de déchets, mais les goélands ne venaient pas, parce que deux fauconniers se promenaient avec des faucons. Les goélands étaient assez intelligents pour savoir qu’ils ne devaient pas provoquer ces faucons. Ce sont des oiseaux magnifiques.

Le gerfaut est l’oiseau national de l’Islande et aussi celui des Territoires du Nord-Ouest. Il est également la mascotte officielle de l’académie de l’armée de l’air américaine. Aucun d’entre eux ne voudra renoncer à cet oiseau particulier, et nous voulons quelque chose qui soit distinctif.

Le balbuzard pêcheur — ou l’aigle pêcheur, comme on l’appelle dans le Canada atlantique — est un autre choix magnifique. J’observe les balbuzards depuis toujours. Quand j’étais enfant, à Louisbourg, ma maison était située à quelques centaines de mètres du port, et ces oiseaux planaient toujours au-dessus du port, à environ 400 ou 500 pieds de hauteur. On les voyait planer, puis s’immobiliser et plonger de façon vertigineuse, et ils remontaient rarement sans un poisson dans leurs serres. Cet oiseau est un magnifique chasseur, mais il est aussi l’oiseau officiel de la Nouvelle-Écosse, et nous n’y renoncerons pas. Nous le gardons.

Certaines espèces d’oiseaux n’ont même pas été prises en considération, comme la sterne arctique. Quel oiseau unique! Durant notre saison estivale, il vit dans les régions septentrionales des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut. Puis, l’hiver, il se rend dans les régions méridionales du globe, en Antarctique. Il effectue la plus grande migration au monde, parcourant environ 50 000 miles par an.

Il y a tellement d’oiseaux uniques dans ce pays qui pourraient être au nombre des choix, mais la sterne, bien sûr, est peu connue. Comme le dit le proverbe, « loin des yeux, loin du cœur ».

(1600)

Certains diront que nous devrions choisir un oiseau qui n’existe plus afin de le commémorer. Nous avons déjà vu des animaux disparus être commémorés. Le drapeau de la Californie arbore l’ours de Californie, une espèce disparue depuis longtemps. Cela se défend.

Il y a eu trois grandes extinctions au Canada dont personne ne parle. L’une d’entre elles, que nous avons en commun avec les Américains, est celle de la tourte voyageuse, un pigeon sauvage qui était autrefois l’animal le plus abondant au monde. Au début du XIXe siècle, on en comptait entre 3 et 5 milliards. Les tourtes voyageuses ont été tuées pour leur viande.

En 1866, on a observé ces oiseaux migrer vers le sud-est des États-Unis au début de l’automne. Selon les estimations, la volée comptait plus d’un milliard d’oiseaux. Cela s’est passé dans le sud-ouest de l’Ontario. Il a fallu 14 heures et demie à la volée pour passer dans le ciel. Elle a masqué le soleil pendant toute la journée. On a estimé qu’elle mesurait entre 150 et 175 milles de long et environ 3 miles de large. Imaginez un peu le spectacle que cela a dû être. C’est un spectacle que nous ne reverrons plus jamais sur Terre.

J’abhorre l’extermination des animaux, et il s’agit là d’un exemple flagrant d’extermination.

Il y a eu deux autres exterminations majeures au pays auxquelles nous devrions réfléchir. La première a eu lieu sur la côte Est, où vivait le grand pingouin, qui était le pingouin originel, le seul oiseau inapte au vol de l’hémisphère Nord. C’était un magnifique animal vivant en colonies qui passait la majeure partie de l’année dans l’eau et ne sortait que pour nicher et se reproduire.

Il occupait toute la zone nord-atlantique jusqu’au Groenland, aux pays scandinaves et à la Méditerranée, mais se reproduisait dans de petites îles au large de la côte nord de la Grande-Bretagne, de l’Islande, du Groenland, de Terre-Neuve et des Maritimes.

Il a été massacré au cours des XVIIIe et XIXe siècles. Ses magnifiques plumes étaient utilisées pour le rembourrage des oreillers. C’était un excellent gibier. Ses œufs étaient un mets délicat. En 1840, ils avaient tous été abattus. Les pingouins du Sud n’appartiennent pas à la famille de cet oiseau, mais il s’agissait du pingouin originel. Le nom a été emprunté aux oiseaux du Nord et donné à ceux du sud. C’était le pingouin originel et nous l’avons tué — nous l’avons détruit.

L’autre espèce a été détruite de notre vivant. Nous n’y pensons pas beaucoup. Il s’agit du courlis esquimau, un petit oiseau ressemblant à un bécasseau qui se comptait par millions et qui passait l’été à l’extrémité nord-ouest des Territoires du Nord-Ouest, sur la côte nord de l’Alaska. Il effectuait une migration spectaculaire, jusqu’aux pampas d’Australie. Sa migration était intéressante. À la fin de l’été, il traversait le Canada en ligne droite jusqu’au Labrador, puis descendait le long du continent américain jusqu’aux pampas du sud de l’Argentine, où il passait l’hiver.

En 1492, alors que Christophe Colomb naviguait sur les flots bleus de l’océan et s’apprêtait à découvrir l’Amérique, c’est lorsqu’il a vu une immense volée d’oiseaux se diriger vers le sud au-dessus de l’océan qu’il a su que la terre était proche. Les oiseaux qu’il a aperçus étaient sûrement des courlis esquimaux. Ils ont été photographiés pour la dernière fois dans les années 1960 à Galveston, au Texas. Des gens en ont aperçu à nouveau dans les années 1980. L’extinction du courlis esquimau n’a pas été confirmée, mais il est probablement disparu.

Il existe de nombreuses raisons de commémorer certains oiseaux.

Je reviens aux cinq options proposées par la Société géographique royale du Canada. Dans les années 1960, la bernache du Canada était en difficulté. Sa population avait considérablement diminué, mais de grands efforts ont été déployés pour préserver l’espèce. La bernache du Canada s’adapte très bien aux milieux urbains, et je pense qu’on a donné 20 ou 30 couples reproducteurs au roi et à la reine dans les années 1960. Aujourd’hui, cet oiseau est devenu un animal très nuisible en Grande-Bretagne, car il s’adapte très bien aux milieux urbains.

Même si c’est un oiseau magnifique, il est considéré comme un animal nuisible. Je ne veux pas que les gens recommencent à le tuer, mais nous devons peut-être éviter d’en faire l’oiseau national.

Qui ne reconnaît pas le cri du plongeon huard? Je pense qu’il n’y a pas de son plus canadien que celui du huard qui résonne au-dessus de l’eau. Toutefois, le huard est bien sûr l’oiseau officiel de l’Ontario. Cette province n’y renoncera pas.

On a proposé le harfang des neiges. C’est un bel oiseau, qui est largement répandu au Canada, tout comme le grand-duc d’Amérique et la chouette lapone, mais il s’agit respectivement des oiseaux officiels du Québec, de l’Alberta et du Manitoba. Par conséquent, ils sont exclus de la course.

La mésange à tête noire est également très répandue. Comme le mésangeai du Canada, elle ne migre pas, mais son aire de répartition est moins septentrionale. En outre, c’est l’oiseau officiel du Nouveau-Brunswick, ce qui l’écarte d’emblée.

Cela nous amène au mésangeai du Canada. Le mésangeai du Canada est omniprésent. On le trouve partout dans les forêts du pays. Ce n’est pas un oiseau de jardin ou de cour. C’est un oiseau de la forêt boréale, et nous avons l’une des plus grandes forêts boréales au monde. Le mésangeai du Canada adore les épinettes, et celles-ci ne manquent pas au Canada. Il aime particulièrement les épinettes noires et les épinettes blanches.

Aucun oiseau au Canada n’a reçu autant de surnoms et de noms : mésangeai du Canada, geai gris, voleur de camp, moose bird et whisky jack. J’ai aussi entendu whisky-john. En français, son nom est une combinaison de « mésange » et de « geai ».

Bien sûr, au Cap-Breton et dans certaines régions du pays où l’on parlait autrefois le gaélique écossais, on l’appelait « gorby », ce qui signifie, à juste titre, « le glouton », car cet oiseau ne cesse jamais de manger. Il passe son temps à manger et à stocker de la nourriture, car il reste ici tout l’hiver. Il pond même ses œufs en hiver, quand il fait -25 ou -30 degrés Celsius.

Sa répartition est typiquement canadienne. Il ne migre pas et niche en hiver. C’est un oiseau très grégaire et sociable. Il faut aller dans les bois pour le voir, mais une fois qu’on y est, on en voit partout.

J’aimerais beaucoup que ce projet de loi soit renvoyé au comité, c’est pourquoi j’ai tenu à en parler aujourd’hui, au cas où nous reviendrions la semaine prochaine et que nous ne traitions que des affaires du gouvernement.

J’encourage tout le monde à appuyer le projet de loi et à le renvoyer au comité. Je pense qu’il est temps que le Canada se dote d’un oiseau national. Je vous remercie.

L’honorable David M. Wells : Le sénateur MacDonald accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur MacDonald : Oui.

Le sénateur D. M. Wells : Saviez-vous qu’il y avait deux oiseaux officiels à Terre-Neuve-et-Labrador?

Le sénateur MacDonald : Je ne savais pas que cette province avait deux oiseaux officiels, mais je sais que le canard du Labrador est un autre oiseau qui a maintenant disparu. Sa population était beaucoup moins nombreuse. Cette espèce s’étendait du Nord du Labrador jusqu’aux Carolines. C’était vers le milieu du XIXe siècle, mais elle a malheureusement disparu. Je ne savais pas qu’il y avait deux oiseaux officiels au Labrador.

Le sénateur D. M. Wells : Accepteriez-vous de répondre à une autre question qui inclurait la réponse?

Le sénateur MacDonald : Oui.

Le sénateur D. M. Wells : Saviez-vous que l’oiseau officiel de Terre-Neuve est le macareux, mais que nous avons aussi une espèce de gibier à plumes officielle qui est le lagopède?

Le sénateur MacDonald : Non, mais je savais que le lagopède était l’oiseau officiel du Nunavut, je crois.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

(1610)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Ataullahjan, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

La Loi sur le directeur des poursuites pénales

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Mary Jane McCallum propose que le projet de loi S-224, Loi modifiant la Loi sur le directeur des poursuites pénales, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-224, Loi modifiant la Loi sur le directeur des poursuites pénales. Je tiens encore une fois à souligner l’énorme quantité de travail, le dévouement et la persévérance dont ont fait preuve les Manitoba Keewatinowi Okimakanak, ou MKO, en étroite collaboration avec le Conseil consultatif des terres dans le cadre de ce projet de loi et du projet de loi connexe, le projet de loi S-223.

J’ai eu le privilège de collaborer avec les MKO et le Conseil consultatif des terres dans le cadre à l’élaboration de ces projets de loi, puis de les soumettre au Sénat en leur nom.

Chers collègues, le projet de loi S-224 modifiera la Loi sur le directeur des poursuites pénales afin d’y inclure la définition suivante de « texte législatif de première nation ». Ce terme s’entend :

a) soit d’un règlement administratif pris en vertu de la Loi sur les Indiens;

b) soit d’un texte législatif de la première nation au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’Accord-cadre relatif à la gestion des terres de premières nations;

c) soit d’un texte de nature législative édicté par un conseil, un gouvernement ou une autre entité autorisés à agir pour le compte d’une première nation en vertu d’un accord sur l’autonomie gouvernementale mis en œuvre par une loi fédérale.

Le projet de loi S-224 est une loi importante qui est nécessaire pour clarifier et confirmer de façon concluante que le Service des poursuites pénales du Canada a la compétence et le mandat d’engager et de mener des poursuites pour des infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire en vertu des lois des Premières Nations, ainsi que tout appel ou toute autre procédure liée à une telle poursuite, au nom de la Première Nation qui a adopté ou promulgué le texte législatif en question.

Comme je l’ai mentionné dans mon précédent discours sur le projet de loi C-223, lorsqu’il a adopté le projet de loi C-49, Loi sur la gestion des terres des premières nations, en 1999, et le projet de loi C-428, Loi sur la modification et le remplacement de la Loi sur les Indiens, en 2014, le Parlement avait l’intention de créer des pouvoirs législatifs nouveaux et accrus pour appuyer l’autodétermination des Premières Nations.

Dans un résumé officiel du projet de loi C-49, on peut lire :

Le projet de loi C-49 élargirait la portée des pouvoirs que la première nation pourrait exercer et ne les laisserait plus à la discrétion du gouverneur en conseil ou du ministre.

Selon un résumé du projet de loi C-428 préparé par le ministère, cette mesure :

[...] élimine le pouvoir de supervision du ministre sur la présentation, l’entrée en vigueur et l’annulation des règlements administratifs, et confère aux Premières Nations l’autonomie et la responsabilité relativement à la rédaction, l’adoption et l’entrée en vigueur des règlements administratifs.

En dépit de l’intention du Parlement d’accroître les pouvoirs législatifs des Premières Nations à des fins d’autodétermination, les projets de loi C-49 et C-428 ont créé des « régimes en suspens » où les lois des Premières Nations ne sont pas appliquées par la GRC et ne peuvent pas donner lieu à des poursuites de la part du Service des poursuites pénales du Canada. Ces refus vont à l’encontre de l’objectif et de l’intention des projets de loi C-49 et C-428.

Honorables sénateurs, dans le rapport de juin 2021 du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes intitulé Démarches collaboratives en matière d’application des lois dans les collectivités autochtones, le comité indique que depuis que des modifications à la Loi sur les Indiens en 2014 ont retiré au ministre le pouvoir de rejeter un règlement administratif, il n’y a plus d’examen ministériel obligatoire des règlements administratifs.

Alors que le Service des poursuites pénales du Canada n’engage des poursuites que pour les règlements qui ont été examinés par Services aux Autochtones Canada, ce ministère examine maintenant les projets de règlement pour commentaires seulement. Pourquoi cette question n’a-t-elle pas été abordée immédiatement en 2014? Pourquoi le procureur général, le Service des poursuites pénales du Canada et Services aux Autochtones Canada n’ont-ils pas soulevé cette question en 2014 auprès du gouvernement fédéral?

Le 6 mai 2021, lors de son témoignage devant le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes, Jeff Richstone, directeur général et avocat général principal du Bureau du directeur des poursuites pénales, a déclaré :

Il existe depuis de nombreuses années une lacune concernant les poursuites reliées à des violations des lois des communautés autochtones. Ces lois sont adoptées par les communautés en vertu d’un certain nombre d’autorités législatives, mais le thème commun est la relation de nation à nation que les communautés autochtones partagent avec le Canada.

Les poursuites relatives à ces lois ne font pas partie du mandat du SPPC.

M. Jeff Richstone, ainsi que M. Stephen Harapiak, conseiller juridique aux Services juridiques du ministère de la Justice, ont expliqué ceci au comité :

Nous avons examiné certains projets de règlements administratifs à la demande des Premières Nations, pour les guider et les aider. Ce sont les règlements administratifs qui sont appliqués. Sans pouvoir de désaveu...

 — par Services aux Autochtones Canada —

[...] certains des problèmes qui peuvent se poser sont de savoir si un règlement est conforme à la portée de la Loi sur les Indiens ou s’il est conforme à la Charte, comme cela est prévu depuis 2011.

Honorables sénateurs, ma question est la suivante. Pourquoi le pouvoir de désaveu de Services aux Autochtones Canada a-t-il été supprimé sans qu’un processus soit mis en place pour garantir la reconnaissance, le respect, l’application et l’exécution efficaces des lois des Premières Nations?

Surtout, pourquoi le gouvernement a-t-il placé les Premières Nations dans une position qui les empêche de faire le travail nécessaire pour protéger leur population et réduire la violence dans leurs communautés?

Pourquoi une mesure fédérale visant à supprimer le pouvoir de désaveu est-elle alors devenue, en soi, un obstacle à l’autodétermination et à l’autonomie gouvernementale?

Jeff Richstone a fourni l’explication suivante :

Malgré son mandat limité, le SPPC s’engage à travailler avec ses partenaires pour explorer les options et élaborer des solutions à long terme. À cette fin, avant la pandémie, le SPPC avait entamé des discussions avec d’autres intervenants afin de voir comment mettre cette question à l’avant-plan, de manière à trouver des solutions adaptées aux besoins des communautés autochtones.

Voici ce que dit le rapport du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord :

Le SPPC a conclu des protocoles d’entente avec certaines Premières Nations pour instituer des poursuites en vertu des règlements administratifs établis sous le régime de la Loi sur les Indiens adoptés pour lutter contre la pandémie de COVID-19. Le Comité a été informé que seuls les règlements administratifs qui ont été passés en revue pour s’assurer qu’ils respectent la Loi sur les Indiens et la Charte canadienne des droits et libertés peuvent faire l’objet de poursuites; or, ce ne sont pas tous les articles de la Loi sur les Indiens elle-même qui sont conformes à la Charte.

N’est-ce pas là un paradoxe en soi? Les articles de la Loi sur les Indiens qui ne sont pas conformes à la Charte ont-ils été relevés et les dispositions qui devraient alors avoir préséance ont-elles été établies? Les limites de l’examen représentent, encore une fois, un obstacle de taille. Comment le Service des poursuites pénales du Canada a-t-il choisi les protocoles d’entente qu’il accepterait d’appuyer?

(1620)

Le rapport du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes indique ceci :

Les Premières Nations autonomes peuvent promulguer des lois en vertu de l’autorité législative prévue dans leur entente sur l’autonomie gouvernementale ou leur traité moderne. En outre, les Premières Nations qui ont adopté un code foncier en vertu de l’Accord-cadre relatif à la gestion des terres de premières nations (rendu exécutoire en vertu de la Loi sur la gestion des terres des premières nations) peuvent élaborer des lois concernant leurs terres, notamment sur le développement, la protection et la possession de celles-ci. Ces lois autorisent les Premières Nations à ne plus être régies par les dispositions concernées en matière de gestion des terres de la Loi sur les Indiens.

L’Accord-cadre prévoit des dispositions relatives à l’application des codes fonciers et des lois des Premières Nations. Cela ne signifie toutefois pas que les lois adoptées en vertu des codes fonciers sont appliquées.

Comme l’explique le Conseil consultatif des terres dans son mémoire :

Malheureusement, les règlements administratifs de la Loi sur les Indiens font l’objet d’une sous-application chronique. Une grande partie de la difficulté à asseoir une application efficace des lois des Premières Nations au titre de l’Accord-cadre remonte à la difficulté à surmonter la série d’échecs essuyés sous le régime de la Loi sur les Indiens.

Dans le cadre de l’étude du projet de loi C-32 par le Sénat en décembre 2022, le Grand Chef Garrison Settee, du Manitoba Keewatinowi Okimakanak, ou MKO, a clairement expliqué par écrit au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones et au Comité sénatorial permanent des finances nationales pourquoi la section C de la partie 4 du projet de loi C-32 aurait dû être amendée afin de préciser l’application par les forces de l’ordre et le système de justice des lois des Premières Nations adoptées en vertu de l’Accord-cadre relatif à la gestion des terres de premières nations.

Bien que le MKO n’ait pas été invité à comparaître devant l’un ou l’autre des comités au sujet du projet de loi C-32, plusieurs sénateurs ont pris la parole au Sénat et se sont joints à moi pour exprimer leur soutien à la demande du MKO de comparaître devant le Comité des finances nationales.

J’ai aussi pris la parole au Sénat pour appuyer les amendements proposés par le MKO et attirer l’attention sur leur importance. De plus, lors de l’étude par le comité, le sénateur Loffreda a posé la question suivante à la vice-première ministre et ministre des Finances :

[...] le MKO a également présenté un mémoire à notre comité des peuples autochtones pour faire part de préoccupations concernant cette partie du projet de loi et demander des modifications corrélatives à la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada et à la Loi sur le directeur des poursuites pénales.

J’aimerais entendre vos observations et votre point de vue sur ces demandes et ces préoccupations.

Voici ce que la ministre des Finances a répondu au sénateur Loffreda :

Vous avez soulevé de très nombreux points. Je ne pourrai pas tout aborder pendant les quelques minutes que le sénateur Mockler nous accorde. Je vais me contenter de dire que j’en prends bonne note.

Je suis convaincue que la réconciliation et la relation de nation à nation avec les peuples autochtones au Canada font partie des dossiers les plus importants de notre gouvernement. C’est omniprésent dans le travail accompli par tous les ministères. C’est une chose que nous prenons très au sérieux. M. Jovanovic et moi-même prenons bonne note de vos commentaires.

Le mémoire des MKO concernant le projet de loi C-32 faisait aussi allusion à la déclaration faite le 25 mai 2021 par Robert Louie, président du Conseil consultatif des terres des Premières Nations, devant le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord :

De nombreuses Premières Nations qui ont un code foncier se sont heurtées au refus de forces policières lorsqu’elles ont demandé de l’aide, ces forces évoquant des préoccupations au sujet de la validité des dispositions législatives sur les codes fonciers et de la responsabilité pouvant être imputée aux policiers, ou bien une incertitude quant aux parties qui prendraient en charge les poursuites si des accusations étaient portées. Il a été difficile jusqu’ici de se mettre d’accord avec des procureurs fédéraux ou provinciaux pour aborder les lois des Premières Nations au titre de l’Accord-cadre.

Voici ce que Robert Louie, président du Conseil consultatif des terres des Premières Nations, a indiqué au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones le 22 novembre 2022, dans le cadre de l’examen du projet de loi C-32 :

Les 20 dernières années nous ont permis de comprendre que le Canada et la GRC n’appliquent pas et n’appuient pas les lois qui ont été adoptées par les Premières Nations.

C’était il y a 26 ans.

C’est un problème de plus en plus sérieux. Nous n’avions pas anticipé cet accroc au départ, mais nous essayons d’y remédier en collaboration avec les gouvernements et les procureurs généraux au niveau fédéral et provincial.

La lettre de la commissaire Brenda Lucki de la GRC au Grand Chef Settee des MKO, datée du 17 février 2020, a permis de confirmer les propos de Robert Louie, président du Conseil consultatif des terres des Premières Nations, selon lesquels les Premières Nations qui ont un code foncier se heurtaient au « refus de forces policières » et que la GRC « n’appliqu[ait] pas et n’appu[yait] pas les lois qui ont été adoptées par les Premières Nations ».

La commissaire de la GRC a déclaré ce qui suit au Grand Chef Settee :

La GRC reconnaît l’autorité des Premières Nations en vertu de la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations (LGTPN). Toutefois, on se demande si les codes fonciers de la LGTPN confèrent le pouvoir d’adopter des lois liées à la COVID-19. En attendant d’autres directives, la GRC continuera de suivre les processus en place en ce qui concerne l’application des règlements administratifs liés à la COVID adoptés en vertu de la Loi sur les Indiens, ainsi que l’application des lois provinciales applicables.

Le 15 mars 2021, la sous-ministre adjointe, Terres et développement économique, Services aux Autochtones Canada, a écrit ce qui suit au président Robert Louie :

Je comprends la frustration ressentie par les Premières Nations qui ont assumé des aspects aussi fondamentaux de leur gouvernance par l’adoption d’un code foncier, pour être ensuite forcées de s’en remettre aux pouvoirs de la Loi sur les Indiens pour lutter contre la pandémie actuelle de COVID-19.

Bien que d’autres analyses doivent être effectuées, j’ai demandé à mon équipe de collaborer avec vous sur les options qui s’offrent à nous pour élargir et clarifier les pouvoirs dans le cadre des prochaines modifications à l’accord-cadre.

Chers collègues, vous vous rappellerez sans doute que le projet de loi C-32 ne propose aucune modification visant à corriger les lacunes relatives à l’application concrète des lois ayant trait au code foncier ni les lacunes relatives aux poursuites en cas d’infractions à ces lois.

Le 31 mai 2023, M. Michael Foote, procureur fédéral en chef pour le Manitoba, a déclaré ceci, alors qu’il faisait référence aux dirigeants et aux représentants des MKO :

Je suis procureur depuis 25 ans au fédéral et j’ai été procureur au provincial pendant 3 ans. Or, je sais que, pendant tout ce temps, nous n’avons engagé aucune poursuite. Il s’agit donc manifestement de quelque chose qui remonte à plus loin que le début de ma carrière de procureur. Je crois que Michael Anderson a évoqué une affaire datant de 1996, époque où le ministère de la Justice était responsable des poursuites. Or, comme je l’ai indiqué dans mon intervention, c’est quelque chose qui ne s’est jamais répété depuis.

En réponse à une question posée le 1er juin 2023 par le Chef Hubert Watt de la Première Nation de God’s Lake, lors de la deuxième journée du symposium, le procureur fédéral en chef pour le Manitoba a également déclaré ce qui suit :

En ce qui concerne votre question, et plus particulièrement les règlements administratifs pris en vertu de la Loi sur les Indiens, le Service fédéral des poursuites a toujours refusé d’engager des poursuites à l’égard de ces règlements. Je suppose que la GRC en déduit que, puisque la Couronne n’engage pas de poursuites, elle n’a pas non plus à le faire.

(1630)

Cependant, le 11 mai 2021, Jeff Preston, inspecteur de la GRC et agent responsable du détachement de Campbell River, en Colombie-Britannique, a déclaré ce qui suit au Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de l’autre endroit :

En général, les règlements administratifs des bandes sont traités comme des lois fédérales qui peuvent être appliquées par la GRC, le service de police compétent ou les agents d’application des règlements administratifs des bandes.

Dans une déclaration faite le 11 mai 2021 au Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de l’autre endroit, le sergent d’état-major Ryan Howe, du détachement de Meadow Lake de la Division F de la GRC, en Saskatchewan, a affirmé que la GRC avait cessé d’appliquer les lois des Premières Nations dans le Nord de la Saskatchewan après 2014.

Dans un échange avec Michael Anderson, le conseiller des MKO en matière de maintien de l’ordre et de sécurité publique, à la suite de la déclaration du sergent d’état-major Howe devant le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord, ce dernier a écrit ce qui suit aux MKO, le 6 mai 2021 :

Après les changements apportés à la loi en décembre 2014, les directives et les orientations données aux détachements de la GRC qui desservent les Premières Nations dans le Nord de la Saskatchewan voulaient qu’en l’absence de poursuites, la police ne procède plus à des arrestations ni à des inculpations.

Honorables sénateurs, comme vous pouvez le constater, les déclarations de la GRC provenant de différentes régions se contredisent. Nous avons demandé des informations à la GRC en Colombie-Britannique afin de savoir si les règlements municipaux qui ont été appliqués étaient alors applicables. Nous attendons toujours une réponse.

Le 27 mai 2021, les MKO ont déposé une demande d’accès à l’information officielle afin d’obtenir une copie des directives adressées à la GRC pour qu’elle cesse d’appliquer les lois des Premières Nations après décembre 2014 en l’absence de poursuites. Plus de deux ans plus tard, les MKO continuent de réclamer une réponse de la GRC à leur demande d’accès à l’information concernant cette directive. Quand mon bureau sénatorial a demandé à la GRC de lui fournir cette réponse, avec le consentement des MKO, on lui a répondu qu’il faudrait encore un an et demi pour obtenir ces renseignements; un avocat spécialiste de la protection des renseignements personnels m’a fait comprendre qu’il s’agissait d’un refus.

Honorables sénateurs, partout au pays, les Premières Nations vivent une crise en matière de sécurité publique et de bien-être qui est alimentée en grande partie par un trafic de drogue et des activités de contrebande qui sévissent presque impunément tout en apportant leur lot de problèmes complexes aux communautés. Le fait que la GRC et le Service des poursuites pénales refusent et négligent d’assumer leurs responsabilités en ce qui concerne l’application des lois des Premières Nations et les poursuites aux termes de ces lois, notamment en ce qui a trait aux substances intoxicantes, aux interdictions, aux intrusions et aux couvre-feux, contribuent directement à cette crise nationale.

Voici ce que dit l’auteur d’un article intitulé « La solution au problème de l’application des règlements administratifs sous le régime de la Loi sur les Indiens : engager des poursuites », article qui a été publié sur le site du cabinet Olthuis Kleer Townshend LLP :

De nombreux corps policiers au pays font fi des règlements administratifs des Premières Nations parce qu’ils savent que, la plupart du temps, il n’existe aucune façon efficace de poursuivre ou condamner les contrevenants à ces règlements. Si l’article 81 de la Loi sur les Indiens autorise les bandes à prendre des règlements administratifs pour les réserves dans des domaines tels que le contrôle de la circulation, la résidence, la santé publique et les boissons alcoolisées, et même si certains de ces règlements peuvent prévoir des sanctions comme des amendes ou des peines d’emprisonnement, la Loi sur les Indiens ne précise pas si les poursuites à intenter contre les contrevenants relèvent des provinces, des territoires, du gouvernement fédéral ou des Premières Nations elles-mêmes.

L’auteur ajoute :

De nombreux corps policiers estiment que les règlements administratifs sous le régime de la Loi sur les Indiens n’ont la même légitimité que les règlements fédéraux, provinciaux, territoriaux ou municipaux et qu’il ne vaut pas la peine de risquer d’engager la responsabilité et d’y consacrer les ressources nécessaires pour les faire respecter.

L’auteur en conclut ceci.

Le fait que la Loi sur les Indiens ne précise pas qui des provinces/territoires, du gouvernement fédéral et des bandes sont responsables d’intenter des poursuites pour les infractions aux règlements administratifs a pour résultat qu’autant le gouvernement fédéral que les gouvernements provinciaux disent que ce n’est pas leur problème. Malheureusement, ce sont les Premières Nations qui doivent subir le mépris des lois et l’insécurité qui découlent de cette situation.

N’oubliez pas que cette situation dure depuis 26 ans maintenant.

Les gouvernements fédéral et provinciaux doivent intervenir, prendre au sérieux la sécurité et le bien-être des communautés des Premières Nations et veiller à ce que les règlements administratifs soient appliqués et qu’ils donnent lieu à des poursuites judiciaires. C’est particulièrement vrai pour les Autochtones avec qui ils ont une relation de fiduciaires.

Honorables sénateurs, le Chef Robert Louie de la Première Nation de Westbank, agissant en sa qualité de président du Conseil consultatif des terres, a écrit au Grand Chef Settee des MKO le 5 avril 2023 pour appuyer le type de modifications à la Loi sur le directeur des poursuites pénales que les MKO avaient proposées dans leur mémoire sur le projet de loi C-32. Ces modifications figurent maintenant dans le projet de loi dont nous sommes saisis, le projet de loi S-224, avec l’aval du Conseil consultatif des terres.

Agissant en tant que Chef de la Première Nation de Westbank, le Chef Louie a également écrit au Grand Chef Settee des MKO pour lui demander :

J’aimerais que toute modification de la loi fédérale englobe les règlements administratifs pris sous le régime de la Loi sur les Indiens, l’accord-cadre et d’autres accords d’autonomie gouvernementale comme l’Accord d’autonomie gouvernementale de la Première Nation de Westbank.

Chers collègues, en plus de régler la question des régimes actuellement « en suspens » des règlements administratifs pris en vertu de la Loi sur les Indiens et des lois du code foncier, l’adoption du projet de loi S-224 vise à préciser avec une certitude concluante que le Service des poursuites pénales du Canada a le devoir d’engager des poursuites à l’égard :

[...] d’un texte de nature législative édicté par un conseil, un gouvernement ou une autre entité autorisés à agir pour le compte d’une première nation en vertu d’un accord sur l’autonomie gouvernementale mis en œuvre par une loi fédérale.

Le projet de loi S-224 précise également que le Service des poursuites pénales du Canada n’engagera ni ne mènera aucune poursuite :

[...] dans les cas où la première nation qui a pris ou édicté le texte législatif a nommé ou désigné un poursuivant ou a conclu une entente avec un gouvernement provincial ou territorial relativement à la poursuite de ces infractions.

L’adoption du projet de loi S-224 rendra limpide la volonté du Parlement concernant l’engagement de poursuites, au nom du procureur général, par le Service des poursuites pénales du Canada dans le cas d’infractions aux lois adoptées en bonne et due forme par les Premières Nations, à moins que la Première Nation ait conclu une entente relativement à la poursuite des infractions.

(1640)

L’organisation Manitoba Keewatinowi Okimakanak a également participé récemment à un exercice de rédaction conjointe de mesures législatives avec le ministre de la Justice du Manitoba pour assurer la présentation, l’examen et l’adoption, le 30 mai 2023, de modifications proposées à la Loi sur les infractions provinciales du Manitoba, qui créeront, pour la première fois au Manitoba, un régime de contravention pour les lois des Premières Nations.

Des lois provinciales qui visaient elles aussi à créer un régime de contravention pour les lois des Premières Nations avaient déjà été proposées par les Premières Nations et adoptées par l’Alberta le 9 décembre 2020 et par la Saskatchewan le 11 mai 2023.

Avec l’adoption des modifications apportées au projet de loi et au projet de loi S-223, ces régimes de contravention pour les lois des Premières Nations rendront le Service des poursuites pénales du Canada beaucoup mieux à même de poursuivre, le cas échéant, les auteurs d’infractions aux lois des Premières Nations en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba.

J’ai mentionné hier qu’il existe un projet pilote de deux ans dans le cadre duquel le directeur des poursuites pénales collabore avec le Manitoba pour l’application des règlements pris en vertu de la Loi sur les Indiens et la poursuite des contrevenants à ces règlements, au-delà de ceux liés à la pandémie de COVID-19. Ce type de projet pilote ne constitue pas une solution permanente, mais plutôt une occasion commune d’élargir la portée du travail accompli à ce jour au-delà de la crise provoquée par la pandémie.

De plus, c’est l’occasion de recueillir des données et d’acquérir une expérience qui pourraient servir à la mise au point de solutions dans le but de mieux servir les communautés à long terme. Ce projet pilote de 2 ans est unique au Canada et il concerne 23 Premières Nations, représentées par l’organisation Manitoba Keewatinowi Okimakanak, qui exercent des pouvoirs législatifs et qui ont fait le choix d’y participer.

Honorables sénateurs, les Premières Nations se sont battues pour changer l’histoire déclarée et imposée par le Canada. Les effets néfastes de la suppression de l’autodétermination et les conséquences horribles qui en ont découlé sont le reflet d’un environnement qui les a rendues vulnérables. Les Premières Nations fonctionnaient très bien avant.

Chers collègues, au début des années 1980, la Charte des droits et libertés comportait une section prévoyant la protection constitutionnelle des droits ancestraux ou issus de traités.

En novembre 1983, le Comité spécial de la Chambre des communes sur l’autonomie politique des Indiens présentait ses conclusions et demandait d’étendre les pouvoirs des gouvernements des Premières Nations, ce qui, dans certains cas, irait au-delà du modèle municipal classique. Dans les années 1990, le ministère des Affaires indiennes annonçait une politique sur le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale. En 2023, nous avons eu la Loi sur la gestion des terres des premières nations.

Il est temps de mettre fin aux 247 années de gestion formelle des Indiens, laquelle est encore aux prises avec une question indienne qu’on a créée de toutes pièces et soutenue et qui, en fin de compte, était une loi raciste qui a laissé dans son sillage des gouvernements enlisés aux Premières Nations.

Honorables sénateurs, comme je l’ai dit au début, je suis profondément honorée d’avoir eu le privilège de collaborer avec des représentants des MKO et du Conseil consultatif des terres des Premières Nations, qui ont joué un rôle majeur dans l’élaboration de la version actuelle de ce projet de loi. Il s’agit là d’un exemple concret d’élaboration conjointe d’un projet de loi touchant les Premières Nations.

Cet exercice d’élaboration conjointe de mesures législatives est conforme aux articles 19 et 38 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et, par conséquent, il est conforme à la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. J’invite tous les sénateurs à appuyer pleinement l’autodétermination et les pouvoirs législatifs accrus de toutes les Premières Nations du Canada que le Parlement prévoyait dans le projet de loi C-428 de même que pour les Premières Nations qui choisissent d’exercer le pouvoir législatif prévu par l’ancien projet de loi C-49.

J’exhorte mes collègues à appuyer pleinement et à adopter le projet de loi S-224, qui modifie la Loi sur le directeur des poursuites pénales et qui précise et confirme de manière concluante le pouvoir du Service des poursuites pénales du Canada d’engager et de mener des poursuites visant des infractions punissables prévues par les textes législatifs de Premières Nations au nom du procureur général du Canada.

Le fait de renvoyer sans tarder les projets de loi S-223 et S-224, qui vont de pair, au comité afin qu’il se penche sur le bourbier qui continue de susciter l’incertitude dans la vie des Premières Nations contribuerait à redonner ce qui n’aurait jamais du être retiré.

Kinanâskomitinawow. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Patterson, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la Journée nationale de Thanadelthur

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Mary Jane McCallum propose que le projet de loi S-225, Loi instituant la Journée nationale de Thanadelthur, soit lu pour la deuxième fois.

 — Merci. Je tiens également à remercier les sénateurs ici présents pour leur soutien.

Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-225, Loi instituant la Journée nationale de Thanadelthur. Comme bien des collègues s’en souviendront, il s’agissait auparavant du projet de loi S-274, que j’ai présenté au Sénat en septembre 2023 et qui a obtenu un vote unanime à l’étape de la deuxième lecture en novembre 2024.

Deux réunions de comité étaient prévues pour la fin du mois de janvier 2025, mais la prorogation a empêché ces réunions d’avoir lieu. Je le présente aujourd’hui dans l’espoir que nous pourrons le renvoyer rapidement à un comité afin qu’il puisse être étudié comme prévu.

Chers collègues, je tiens encore une fois à vous faire part de mon expérience de l’histoire orale chez les Dénésulines de Brochet et de Lac Brochet. Les Dénés ont conclu le Traité no 10 en 1906, et les Cris sont venus s’installer au début des années 1920. Mon père était l’un des Cris qui s’y sont installés.

Ils ont vécu ensemble à Brochet, au Manitoba, où ils se sont mariés entre eux et ont élevé des familles. Toutefois, les Cris ont commis des actes de violence à l’encontre des Dénés. En raison de la montée de la violence, les Dénés ont décidé de quitter leurs terres traditionnelles de Brochet pour s’installer à Lac Brochet en 1974. Les jeunes enfants dénés et cris de Brochet ont été envoyés au Pensionnat indien de Guy Hill, où, en tant qu’élèves, nous sommes devenus une famille.

Comme nous étions en pensionnat, beaucoup d’entre nous n’ont pas été témoins de la violence qui régnait à la maison. Nous rentrions chez nous et en entendions parler.

Grâce à cette proximité, j’ai eu le privilège d’entendre l’histoire de Thanadelthur, il y a 20 ans, de la bouche de Mme Lucy Antsanen, une habitante dénée de Brochet et de Lac Brochet, qui a subi des traumatismes intergénérationnels liés aux pensionnats. Historiquement, pendant les années où ils apprenaient l’histoire orale, les jeunes Dénés entendaient parler de cette jeune femme remarquable grâce aux histoires transmises par leurs grands-parents et leurs parents, et c’est encore le cas aujourd’hui.

(1650)

D’entrée de jeu, chers collègues, je tiens à vous informer que le mot « Chipweyan » est utilisé dans les références historiques. Il s’agit d’un terme péjoratif qui devrait plutôt être remplacé par « Dénésuline », qui signifie les premiers peuples.

Honorables sénateurs, il y a plus d’une vingtaine d’années, Mme Antsanen, une jeune Dénée qui détenait une maîtrise en éducation, enseignait à Lac Brochet. Elle a raconté l’histoire de Thanadelthur à ses élèves. Depuis, les jeunes portent du rouge le 5 février afin d’honorer la mémoire de cette ambassadrice de la paix, puisque c’est ce jour-là qu’elle a rejoint le monde des esprits. Tous les jours, je porte moi aussi du rouge en signe de solidarité avec mes sœurs. Je porte aussi les mocassins qui m’ont été remis en 1979 par l’Aîné déné St. Pierre.

Cette histoire s’est produite avant que le Canada se métamorphose en pays et que le Manitoba devienne une province. Il n’y avait pas de frontières, seulement des limites aux territoires de chacune des nations autochtones. La traite des fourrures était à son apogée. La Compagnie de la Baie d’Hudon et la Compagnie du Nord-Ouest étaient toutes deux présentes dans les environs d’York Factory.

Thanadelthur est née à la fin des années 1600. Jadis, soit avant qu’ils commencent à coucher leurs histoires sur papier, les Dénés déterminaient l’âge d’une personne en comptant le nombre d’hivers qu’elle avait vécus. Si je le précise, c’est parce que l’âge qui est donné à Thanadelthur varie selon la source consultée, par exemple dans les archives de la Compagnie de la Baie d’Hudson ou dans les récits des historiens. Quoi qu’il en soit, Thanadelthur était une adolescente lorsqu’elle est arrivée au fort de la baie d’Hudson.

Honorables sénateurs, c’est très difficile de nos jours de retrouver le véritable nom des femmes autochtones qui ont marqué l’histoire. Généralement, on appelait simplement ces femmes des « Indiennes » ou des « femmes autochtones », ce qui a contribué à l’effacement de nos peuples et de notre histoire. À Lac Brochet, quand le prêtre français qui avait vécu parmi nous durant plus de 50 ans a écrit un livre sur nos vies et nos terres, il parlait seulement d’Indiens. Il n’a jamais donné leurs noms, même s’il vivait avec eux, comme ce n’étaient pas des êtres humains.

Ainsi, à une époque où les femmes autochtones figuraient rarement dans les livres d’histoire, vivait cette remarquable jeune fille dénée dont le nom, Thanadelthur, est gravé dans les livres d’histoire pour l’éternité. Comme telle, cette information fait partie de l’histoire orale, certes, mais elle transcende ce support puisqu’elle est également archivée et conservée dans les livres d’histoire ainsi que les outils d’enseignement utilisés dans les écoles. La publication de l’auteur Rick Book intitulée Blackships/Thanadelthur, qui présente la vie et les contributions de cette jeune femme, sert d’outil d’enseignement dans les Territoires du Nord-Ouest.

Chers collègues, durant la vie de Thanadelthur, les Dénés et les Cris sont de vieux ennemis en guerre. Les aînés des différentes communautés dénées du Manitoba et de la Saskatchewan racontent la guerre entre les deux nations. Lorsque des Cris tombent sur un campement déné, ils tuent la majorité des Dénés, mais capturent les jeunes filles, car elles sont réputées pour leur ardeur au travail. Inversement, lorsque des Dénés tombent sur un campement cri, ils ne font pas de prisonniers.

En 1712 et 1713, la famille de Thanadelthur chasse le caribou dans les environs d’Arviat, au Nunavut, lorsque des Cris l’attaquent dans son campement et la massacrent. Thanadelthur est emmenée en captivité. Les Aînés cris l’appellent Akwakan Iskwew, ce qui signifie « femme esclave ». Les Aînés dénés disent qu’elle a survécu parce qu’elle était d’une beauté stupéfiante et qu’elle était très habile.

Thanadelthur est réduite en esclavage pendant plus d’un an et, à la fin de l’année 1714, elle et une autre jeune femme échappent à leurs ravisseurs cris et se dirigent vers le nord pour retrouver leur peuple. Sans nourriture ni vêtements chauds, elles se retrouvent rapidement dans une situation désespérée. Les filles survivent grâce aux plantes comestibles, aux baies et au petit gibier qu’elles attrapent en chemin. On pense qu’elles ont utilisé leurs longs cheveux pour fabriquer des pièges. Au cours de ce voyage, la jeune compagne de Thanadelthur meurt tragiquement, ce qui oblige Thanadelthur à abandonner sa route et à se rendre au fort, dans l’espoir d’y rencontrer les Anglais. Thanadelthur connaît l’existence du fort, mais elle n’y a jamais mis les pieds.

Quand elle arrive au fort, elle rencontre le responsable, William Stuart. Il travaille avec une autre femme dénée pour conclure la paix entre les Dénés et les Cris afin de pouvoir étendre le commerce des fourrures. L’objectif est d’améliorer leur développement économique.

Lorsqu’ils rencontrent les Cris, Thanadelthur leur demande de venir rencontrer le peuple déné afin de conclure un traité de paix, et ils se mettent en route. Pendant ce périple dans le froid hivernal, Thanadelthur confectionne leurs habits d’hiver avec des peaux d’animaux ainsi que des raquettes avec des branches et des tendons d’animaux.

Thanadelthur sauve l’expédition de la famine à plusieurs reprises. On calme la faim avec du thé ainsi que de la soupe faite uniquement avec de la neige, des mûres et des peaux d’animaux. Finalement, le groupe ne compte plus que Thanadelthur, William Stuart, le Chef cri et une dizaine de Cris. Près de leur destination, ils trouvent les corps de neuf Dénés, apparemment tués par les Cris. Craignant qu’on leur attribue les morts, William Stuart et les Cris refusent d’aller plus loin. Thanadelthur demande au groupe de dresser un camp et d’attendre 10 jours pendant qu’elle part à la recherche de son peuple pour négocier les conditions de paix.

Elle s’aventure seule dans les terres inhospitalières et, quelques jours plus tard, elle tombe sur des centaines de Dénés. En raison de l’attaque précédente par des Cris, Thanadelthur doit se montrer très persuasive pour convaincre son peuple de l’accompagner jusqu’au camp cri. Au bout du compte, plus de 100 Dénés acceptent. Dans la plus pure tradition épique, elle arrive au camp cri le dixième jour.

Puis, les pourparlers de paix sont entamés. Thanadelthur mène les discussions, sermonnant les parties pour qu’elles fassent la paix. Enfin, à la tête d’une délégation de 10 Dénés, dont son frère, elle retourne à Fort York en mai 1716. Au poste de traite, elle devient rapidement conseillère principale du gouverneur James Knight, qui lui demande son avis sur toutes sortes de plans. Il estime qu’elle est l’une des personnes les plus remarquables qu’il ait jamais rencontrées.

(1700)

Au début de 1717, Thanadelthur tombe malade. Comprenant qu’elle va mourir, elle passe des heures à enseigner le déné à l’un des jeunes travailleurs de la Compagnie de la Baie d’Hudson afin qu’il puisse la remplacer. Elle meurt le 5 février 1717, à l’âge de 16 ans.

Dans le livre intitulé Muskekowuck Athinuwick: Original People of the Great Swampy Land, l’auteur Victor P. Lytwyn donne plus de détails sur cette période :

Lorsque la Compagnie de la Baie d’Hudson a recolonisé York Factory en 1714, elle tenait beaucoup à faciliter la paix entre les Moskégons et les Dénés. La compagnie avait des motifs économiques pour encourager une telle initiative de paix; elle prévoyait d’établir un poste de traite à l’embouchure de la rivière Churchill pour recueillir des fourrures des Dénés. Il y avait également des rumeurs voulant que le territoire des Dénés renferme des métaux précieux, et la compagnie voulait forger une relation amicale pour exploiter ces ressources minérales. La motivation des Moskégons à faire la paix est plus difficile à établir. Ils n’avaient aucun avantage économique évident à faire la paix avec leurs ennemis ancestraux. Toutefois, l’initiative de paix est logique si on l’examine du point de vue de l’alliance entre les Moskégons et la Compagnie de la Baie d’Hudson. En tant qu’alliés de la compagnie, les Moskégons pourraient avoir participé à l’établissement de la paix avec les Dénés afin de solidifier leur relation avec les commerçants anglais. Un examen attentif de la mission de paix de 1715-1716 clarifie le rôle des Moskégons dans cette initiative. Cette mission de paix a précédemment été analysée par des érudits qui s’intéressent au rôle de la Compagnie de la Baie d’Hudson ou de la femme dénée qui a agi à titre d’interprète.

Grâce à des festins et à des présents, James Knight a persuadé le Chef des Moskégons d’entreprendre la mission de paix. Ainsi, 17 hommes et leur famille, soit environ 150 personnes, ont suivi le Chef moskégon. Accompagnant ce groupe se trouvaient William Stuart et Thanadelthur, qui avaient été capturés par les Moskégons.

Les membres du groupe quittent York Factory le 27 juin 1715, et se dirigent vers le Nord en direction de la rivière Churchill. Puis, on ne reçoit plus de nouvelles des pacificateurs jusqu’au 13 avril 1716, date à laquelle trois Moskégons arrivent à York Factory pour signaler que le groupe a souffert d’un manque de nourriture, ce qui l’a forcé à se diviser en quatre ou cinq sous-groupes. Selon leurs dires, le Chef des Moskégons a emmené quatre hommes, de même que Stuart et Thanadelthur, en direction des territoires de chasse d’hiver des Dénés. Un autre sous-groupe de huit hommes moskégons ont pris une route différente en direction de ces territoires de chasse. Ces huit hommes ont rencontré un groupe de Dénés et ont tué neuf personnes en légitime défense.

Le 7 mai 1716, le Chef des Moskégons est retourné à York Factory avec Stuart, Thanadelthur et quatre Dénés. Stuart s’était joint au Chef cri pour faire la démonstration que les deux groupes d’Indiens avaient fait la paix. D’après le rapport de Stuart, le groupe est tombé sur les dépouilles de Dénés tués par des Moskégons. Thanadelthur a accepté d’amener son peuple au camp afin de lui expliquer la situation et d’arriver à obtenir la paix. Au bout de dix jours, Thanadelthur est revenue avec 400 Dénés, dont 160 hommes. Le Chef des Moskégons a expliqué, par l’entremise de Thanadelthur, qui faisait office d’interprète, qu’une paix avait été conclue et qu’il avait offert son calumet en signe d’amitié. Les Chefs dénés ont accepté et, après deux jours de réunions et d’échange de présents, ils sont repartis chacun de leur côté dans la paix. Le Chef des Moskégons a emporté avec lui quatre garçons dénés « adoptés » en signe de paix. Un de ces garçons est demeuré avec le Chef et a été traité comme l’un de ses fils.

Honorables sénateurs, comme je l’ai mentionné au début de mon discours, de nos jours, on utilise des guides pédagogiques en classe pour faire connaître les expériences de Thanadelthur à des fins d’enseignement et de discussion sur des sujets sensibles.

Le 13 août 2017, une journée de commémoration a eu lieu à Churchill, au Manitoba, à l’occasion du 300e anniversaire de l’événement. De nombreux Dénés et de nombreux Cris se sont réunis à Churchill pour rendre hommage à Thanadelthur et commémorer ce qu’elle a accompli.

De plus, pour son courage, ses talents d’artisane de la paix et son apport à l’histoire du Manitoba et du Canada, Thanadelthur a été nommée « personnage historique national » en 2000 et « exemple historique pour les jeunes » en 2002.

De plus, en 2024, l’astéroïde 88786 de la ceinture principale a été nommé Thanadelthur en son honneur.

En août 2022, Mme Antsanen et des représentants de la nation dénée du Manitoba et de la Saskatchewan m’ont invitée à Churchill à l’occasion du changement de nom de la place Hudson, qui a alors été rebaptisée « place Thanadelthur ». À cette occasion, j’ai prononcé une deuxième allocution dans le but de présenter des excuses aux Dénés pour les souffrances qui leur ont été infligées.

Les Dénés ont signé le Traité no 10 à Brochet, au Manitoba, et, comme je l’ai dit, les Cris ont commencé à s’installer à cet endroit. À bien des égards, les relations entre les Cris et les Dénés ont longtemps été violentes, mais il y a eu des mariages entre ces deux peuples, et ces familles ont duré jusqu’à aujourd’hui. Ma tante et d’autres membres de ma famille sont d’ailleurs Dénés.

Ces relations violentes ont amené les Dénés à quitter leurs terres traditionnelles. Lorsqu’ils ont quitté Brochet en 1974, ils ont perdu la sagesse et le sentiment d’appartenance historique qui s’y rattachaient. Ils ont pris la décision extrêmement difficile de s’installer à Lac Brochet, un endroit sans électricité où ils ont réussi à s’y faire une place grâce à leur détermination inébranlable.

En 2009, lors de la célébration du centenaire du traité, j’ai prononcé mon premier discours d’excuses aux Dénés parce que c’était la chose à faire. Je reste une amie proche et une alliée de mes frères et sœurs, de mes grands-mères et de mes grands-pères dénés. Mon père et ma mère étaient proches des Dénés, et mon père a rendu visite aux Dénés de Lac Brochet. Puisque son terrain de piégeage était près de Lac Brochet, il les a aidés dans les moments difficiles et a célébré les bons moments avec eux.

Les Dénés m’ont raconté des histoires sur mes parents. Je n’aurais jamais connu cette facette de mon père si les Dénés ne m’avaient pas raconté ces histoires.

Tout au long de ces années, en tant que Cris et Dénés, nous avons continué à nous réunir pour discuter non seulement de notre histoire collective tumultueuse, mais aussi de ce qui nous unit.

Je me suis toujours sentie comme une étrangère sur ces terres, car nous nous trouvions sur le territoire historique des Dénés, alors que nous étions Cris. En 2005, lors de notre rassemblement annuel à Brochet, l’Aîné Joe Hyslop a déclaré ce qui suit : « Ceci est ma terre et mon territoire. » Prenant la parole après lui, j’ai déclaré que c’était bel et bien le cas, mais que ce territoire était aussi le mien. En effet, c’est sur ce territoire que je suis née et que j’ai grandi, et c’est à celui-ci que je suis attachée depuis ma naissance. J’ai toujours su que nous devions nous efforcer de maintenir la paix, car nous sommes tous membres de la même famille.

Vous voyez, nous étions déjà sur la voie de la réconciliation avant même que ce mot ne soit sur toutes les lèvres. Nous y travaillons activement depuis l’époque de Thanadelthur.

(1710)

J’aimerais vous faire part des excuses que j’ai adressées aux Dénés :

Je remercie les Dénés de m’avoir invitée et de m’accueillir sur leur territoire.

J’aimerais commencer par un moment de réflexion sur les mauvais traitements qui ont été infligés aux Dénés tout au long de l’histoire, y compris par les Cris dans ce cas-ci. Je tiens à dire à quel point je suis désolée de la peur, de la douleur, de la souffrance et des humiliations que les Dénés ont vécues durant leurs contacts étroits avec les Cris.

Je sais qu’il n’y a rien que je puisse dire aujourd’hui qui pourrait effacer la douleur et la souffrance que vous-mêmes et vos ancêtres avez vécues, individuellement et collectivement. Cependant, je vous tends la main dans un esprit de sororité et de fraternité, dans l’espoir d’aider à régler notre passé et d’entreprendre un nouveau commencement — ce nouveau commencement pour lequel Thanadelthur a déployé tant d’efforts et œuvré sans relâche.

« Je me souviens [...] », alors que je rentrais du pensionnat autochtone :

[...] des tambours et des jeux de mains auxquels jouaient les Dénés, et ces activités culturelles font partie de mes souvenirs les plus chers. Quand les soirées étaient calmes, on pouvait entendre le son des tambours dans tout le village [...] Dans les moments de grand stress de ma vie, je recherchais le son des tambours parce qu’il me rappelait mon foyer et ma parenté à Brochet. Aujourd’hui encore, les tambours restent pour moi un moyen de guérison très puissant. Dans les moments de grand stress, j’ai sollicité les conseils de mes amis et de ma famille cris et dénés, et j’ai cherché du réconfort auprès d’eux. Les Dénés seront toujours un point d’ancrage solide dans ma vie, et j’espère continuer à cheminer avec vous tout au long de ma vie.

Je me souviens d’avoir entendu des anecdotes sur les traumatismes infligés à nos frères et sœurs dénés, qui avaient estimé devoir quitter Brochet pour rendre la vie de leurs enfants plus sûre. Leur décision de déménager leur avait demandé un grand courage, celui de quitter leur territoire d’origine et de refaire leur vie. Nous ne devons pas oublier les souffrances et les traumatismes qui ont marqué ce déplacement, ni ce que les Dénés continuent de ressentir [aujourd’hui] à la suite du traitement brutal que les Cris leur ont infligé. Nous devons faire face à la vérité crue et malaisante partout où la violence et les traumatismes sévissent, y compris à Churchill [...] Nous devons y faire face et y remédier. Commençons par le récit historique de Thanadelthur et, comme elle, défendons la justice.

Je dois aussi me souvenir de l’existence des traumatismes intergénérationnels. Les injustices historiques de ce genre, que ce soit à Lac Brochet, à Tadoule ou à Churchill, continuent aujourd’hui d’avoir des conséquences sur la pérennité et la vitalité des communautés en cause, leurs lois et coutumes, leur langue, la propriété de leur territoire et leur souveraineté.

Je ne connais pas l’ampleur des horreurs que certaines familles et certaines personnes ont vécues, non seulement à Brochet, mais aussi à Churchill. Dans son livre intitulé Night Spirits, Ila Bussidor a décrit bon nombre des préjudices qui en ont découlé et qui en découlent encore aujourd’hui.

Je comprends que les Inuit, les Métis, les Premières Nations et les peuples non autochtones ont infligé des traumatismes aux Dénés de Churchill. Comment entamer le processus de réconciliation ou conciliation? Comment entamer la conversation avec le gouvernement fédéral qui a arraché les Dénés à leur mode de vie nomade et à leurs terres pour les installer de force à Churchill, sans aucune ressource, y compris le logement? Comment le gouvernement reconnaît-il le préjudice que les politiques d’expulsion ont fait subir aux Dénés?

Cerner les conséquences sur les communautés et les individus est un moyen efficace de reconnaître le fondement des distinctions entre les Premières Nations. Comme vous le savez, Thanadelthur, interprète et négociatrice émérite, a joué un rôle diplomatique crucial qui a conduit à la paix entre son peuple, les Dénés, et son ennemi traditionnel, les Cris.

Au nom des Cris, je reconnais le mal qui a été fait à nos frères et sœurs, les Dénés. Les Cris et les Dénés ont leurs propres cultures, et à Brochet, il y a eu un mélange des deux parce que nous vivions ensemble et nous nous sommes aimés. Nous avons eu des familles ensemble. Le Créateur nous a réunis pour une raison, et nous devons honorer l’unité des deux tribus pour cette raison. Pour le bien de nos enfants, nous devons nous retrouver.

J’espère que cette reconnaissance et ces excuses conduiront à un processus de guérison — une reconnaissance de la valeur humaine et de la dignité des Dénés. Comment pouvons-nous commencer à mettre fin au cycle du ressentiment et de la souffrance?

Je ne m’attends pas à un pardon mais, personnellement, je promets de ne pas répéter les traumatismes dont vous avez souffert. Je présente mes excuses dans un esprit de guérison entre les nations crie et dénée. Il est important que nous ne restions pas les bras croisés. Je suis consciente que les Dénés — en tant que nations souveraines — ont le pouvoir de rejeter cette déclaration et ces excuses.

Je comprends qu’il est important d’accorder du temps pour une réponse, que cette réponse ne sera peut-être pas immédiate, et que lorsqu’elle viendra, elle pourrait ne pas être positive. L’important, c’est de reconnaître qu’une injustice a été commise. C’est pour cela que je suis profondément désolée.

Honorables sénateurs, en juillet 2023, je suis allée chez moi, à Brochet, pour participer aux célébrations du Traité no 10 avec les Chefs des Premières Nations de la Saskatchewan et du Manitoba signataires du traité. Nous avons souligné et célébré comme il se doit cette fraternité Dénés-Cris qui est la nôtre. Les Cris ont accueilli les Dénés chez eux, leur ont préparé tous les plats traditionnels, ont joué à des jeux de mains et se sont affrontés dans le cadre de diverses compétitions. On a dansé, chanté, joué du tambour et festoyé. Ce fut le rassemblement le plus réussi et le plus convivial que nous ayons eu.

Les célébrations du Traité no 10 se poursuivront pendant encore sept ans, parce que nous irons maintenant en Saskatchewan. Ces célébrations marqueront le renouvellement d’un traité de paix moderne entre les Cris et les Dénés, et nous avons commencé cela.

Cela correspond au principe selon lequel les excuses doivent toujours être suivies de gestes concrets. Une Cheffe dénée de la Saskatchewan m’a dit qu’elle n’aurait jamais pensé entendre un jour les mots « je suis désolé ». Nous avons terminé les célébrations par des tambours et une danse en cercle des Cris et des Dénés.

Chers collègues, avant de terminer, je tiens à citer ce qu’a dit le Chef Simon Denechezhe, de la nation dénée de Lac Brochet.

Le conseiller cri Billy Linklater, un excellent allié qui agissait au nom du Chef de la nation de Barren Lands, appuyait la résolution. Celle-ci — qui demandait au gouvernement fédéral d’adopter une loi désignant le 5 février comme la journée de Thanadelthur — a été adoptée à l’unanimité par les Chefs du Manitoba Keewatinowi Okimakanak, avec le plein appui du conseil tribal du Keewatin et de leur Grand Chef, Walter Wastesicoot. Lorsqu’il est intervenu à propos de la résolution, le Chef Denechezhe a dit ceci :

Voici un récit oral qui se transmet d’une génération à l’autre. Les événements dont je vous parle sont survenus au début des années 1700. Mes parents et des aînés me les ont aussi racontés. Ce n’est pas seulement une question de reconnaissance, c’est aussi nécessaire pour avancer sur le chemin de la vérité et de la réconciliation. En tant que Nations, nous devons apprendre à nous respecter et nous reconnaître mutuellement, car c’est ainsi que toutes les nations pourront collaborer. Vérité et réconciliation : nous nous sommes engagés sur cette voie. Il faut le comprendre clairement. Nous devons collaborer entre Nations en ces temps modernes. J’ai entendu très souvent que nous devons nous entraider les unes les autres. Toutefois, il semble toujours y avoir des différends. C’est à nous qui sommes autour de la table d’utiliser notre voix, la voix de nos Nations, car nous devons reconnaître que nous aussi, nous sommes sur le chemin de la réconciliation. Merci. Maci-chok!

(1720)

Honorables sénateurs, j’aimerais conclure mon discours en citant notre ancien collègue, le sénateur Don Plett, qui était porte-parole pour ce projet de loi durant la dernière législature. Dans son discours de novembre dernier en réponse à ce projet de loi, le sénateur Plett a déclaré :

Même si je n’interviens pas très souvent sur ce genre de projets de loi où nous promulguons un mois ou une semaine de sensibilisation — je ne suis pas le plus grand partisan des journées, des semaines et des mois de sensibilisation à quelque chose —, selon moi, le projet de loi S-274 [...]

 — c’était alors son numéro —

[...] présenté par la sénatrice McCallum, est différent. C’est une exception parce que, à mon avis, il s’agit d’une occasion pour le pays, et surtout pour les enfants, d’en apprendre un peu sur notre histoire.

Le sénateur Plett a poursuivi :

[...][La] contribution [de Thanadelthur] n’a pas été reconnue à sa juste valeur. Nous connaissons l’incidence qu’ont [eue] d’autres grandes figures au pays et dans différentes provinces, mais nous avons également besoin que des histoires comme celle de Thanadelthur soient mises en lumière. Dans un pays au passé aussi riche que le nôtre, trop de personnages importants sont relégués aux marges de l’histoire.

Le sénateur Plett a ensuite conclu avec ces mots :

Chers collègues, j’encourage tous les sénateurs à soutenir le projet de loi S-274 à l’étape de la deuxième lecture, afin qu’il soit étudié en comité et que celui-ci détermine s’il s’agit du meilleur moyen de reconnaître Thanadelthur, car il ne fait aucun doute que cette reconnaissance est méritée.

Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur le Mois du patrimoine arabe

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Al Zaibak, appuyée par l’honorable sénateur Aucoin, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-227, Loi instituant le Mois du patrimoine arabe.

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je sais que le temps file. J’ai l’habitude d’être brève et je le serai encore plus cette fois-ci.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à titre de porte-parole officielle du projet de loi S-227, qui ferait d’avril le mois du patrimoine arabe. Je remercie le sénateur Al Zaibak d’avoir présenté de nouveau cet important projet de loi.

Alors que je me préparais à prendre la parole, je me suis demandé à qui correspond au juste le nom « Arabe ». On considère que les Arabes font partie des peuples sémites. Ils parlent l’arabe, une langue sémitique. Le monde arabe comprend 22 pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord où l’arabe est la principale langue parlée. Sur le plan de la religion, la plupart des Arabes sont musulmans, mais il y a aussi des Arabes chrétiens et des Arabes juifs, tout comme il y a des Canadiens musulmans, chrétiens et juifs. Malgré leurs différences ethniques et religieuses, les Arabes sont unis par l’histoire, la culture, la musique, l’art, la cuisine et les coutumes qui sont les leurs.

Ibrahim Abou Nader est généralement considéré comme le premier immigrant arabe au Canada. Il s’est installé à Montréal en 1882. Depuis, la communauté arabo-canadienne n’a jamais cessé de croître, les communautés les plus importantes étant situées à Montréal et à Toronto.

Honorables sénateurs, le monde arabe a offert à l’humanité des cadeaux qui transcendent les frontières, les siècles et les disciplines. Les racines des contributions arabes à la civilisation mondiale sont profondes. Je souhaite donc mettre en lumière quelques inventeurs arabes qui ont ouvert la voie à Newton, à Galilée et même aux frères Wright.

Tout d’abord, une chose aussi anodine que notre tasse de café matinale trouve son origine dans le monde arabe. La légende veut que le café ait été découvert par un éleveur de chèvres nommé Khalid ou Kaldi, dans l’Éthiopie du IXe siècle. Celui-ci avait remarqué que les chèvres, lorsqu’elles mâchaient certains grains, devenaient particulièrement excitées. Des plants de café ont été transportés de l’autre côté de la mer Rouge, jusqu’au Yémen, où le café a commencé à être cultivé et infusé pour la première fois au XVe siècle. Du XVe au XVIIe siècle, la ville portuaire de Mocha, ou Al-Makha, sur la côte yéménite de la mer Rouge, devient l’épicentre du commerce mondial du café. De là, le café se répand dans le monde islamique, atteignant La Mecque, Le Caire, Damas, puis l’Empire ottoman, avant de se frayer un chemin jusqu’en Europe. La domestication et la commercialisation du café par les Arabes ont jeté les bases de la culture moderne du café dans le monde.

Mille ans avant l’invention de la machine volante par les frères Wright, Abbas Ibn Firnas, un polymathe andalou, a inventé le premier engin volant plus lourd que l’air à être enregistré dans l’histoire. Il a fabriqué un planeur rudimentaire à partir de bois, de soie et de plumes et se serait lancé lui-même depuis une montagne du Yémen, planant pendant plusieurs minutes et se dirigeant suffisamment bien pour atterrir près de son point de départ. Cette entreprise présageait des concepts qui, des siècles plus tard, ont inspiré les travaux de Léonard de Vinci et des frères Wright.

En mathématiques, l’Égypte ancienne et Babylone ont été les centres de l’émergence de l’algèbre, un mot dérivé de l’arabe « al-jabr », qui signifie « restauration » ou « réunion ». Les anciens Babyloniens ont été les pionniers de l’utilisation de l’algèbre dans le domaine des mathématiques. Des preuves laissent penser que cette pratique remonte à une période comprise entre 1900 et 1600 avant Jésus-Christ.

Nous avons entendu parler des premiers docteurs en médecine. Al-Zahrawi, un médecin, chirurgien et chimiste célèbre, a publié en l’an 1000 un ouvrage intitulé Kitab al-Tasrif, une encyclopédie arabe en 30 volumes sur la médecine et la chirurgie qui a été une référence médicale en Europe pendant les 500 années qui ont suivi.

Une autre figure éminente était Ibn Sina, connu en Occident sous le nom d’Avicenne, qui a écrit Le Canon de la médecine, un ouvrage qui a été une référence dans les universités européennes pendant plus de 500 ans. Ses observations détaillées ont jeté les bases des essais cliniques, des procédures de quarantaine et des traitements holistiques plusieurs siècles avant que la science moderne ne refasse son retard.

Honorables sénateurs, ce ne sont pas seulement des détails de l’histoire. Ce sont les pierres angulaires de la science et de la culture modernes.

On entend peu parler de ces inventeurs, parce que l’histoire écrite est subjective, mais j’espère que le mois du patrimoine arabe nous permettra de découvrir la richesse de la culture et de l’histoire des Canadiens d’origine arabe ainsi que leurs réalisations et leurs contributions remarquables.

Ces contributions ne sont pas figées dans le passé. Le Canada s’en est imprégné. Les Canadiens d’origine arabe ont apporté des contributions exceptionnelles au tissu social, culturel, scientifique et politique de notre pays et ils continuent d’en apporter.

Nous savons qu’au cours des dernières années, les membres des communautés arabes — plus particulièrement les musulmans, les personnes racisées et les nouveaux arrivants — ont été victimes de discrimination, de profilage et de marginalisation. La désignation du Mois du patrimoine arabe n’est pas seulement un acte de célébration, mais aussi un acte de solidarité, une affirmation que chaque Canadien, quelle que soit son origine, appartient pleinement et autant que les autres à ce pays.

Honorables sénateurs, servons-nous du Mois du patrimoine arabe pour nous assurer que les jeunes Canadiens d’origine arabe se reconnaissent dans nos institutions, que toutes les cultures arabes au Canada sont célébrées dans nos salles de classe, et qu’on tient compte de la voix des Canadiens d’origine arabe dans nos conversations. Ainsi, nous pourrons tous espérer tisser ensemble une version plus authentique de notre histoire collective.

Merci. Shukran.

(Sur la motion de la sénatrice Patterson, le débat est ajourné.)

Comité de sélection

Adoption du premier rapport du comité

Le Sénat passe à l’étude du premier rapport du Comité de sélection, intitulé Désignation et durée du mandat des sénateurs qui feront partie des comités, présenté au Sénat le 18 juin 2025.

L’honorable Michael L. MacDonald propose que le rapport soit adopté.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

(À 17 h 31, le Sénat s’ajourne jusqu’au mercredi 25 juin 2025, à 14 heures.)

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